dimanche 10 janvier 2016

"The Hateful Eight" de Q. Tarentino

Un nouveau Q. Tarentino, moi je cours vers la première salle obscure. Et j'adore. Je n'imagine même pas un jour pouvoir être déçue. Il est tout ce que j'aime dans le 7ème Art, des séquences d'anthologie (en ouverture et tout du long), des scénarii décapants, une narration en chapitres (donc littéraire), des mises en scène stylisées, des bandes son jouissives...
"The hateful Eight", un de plus que j'aime, et f... les critiques peu enthousiastes (lues après). Parce que c'est un retour aux sources et "Reservoir Dogs" demeurera à jamais parmi mes films favoris. Un huis clos donc, en version plus longue et sauce spaghetti épicée.
7 hommes et une femme qu'une tempête de neige enferme dans un relais de diligence en pleine montagne. Certains se connaissent, d'autres non mais tous ont un rapport avec Daisy Domergue, une hors-la-loi destinée à la pendaison. Qui est avec qui, qui est contre qui, qui survivra aux autres, tout est là. Ca parlotte, ça cloue, ça crache, ça provoque, ça frappe et ça tire dans tous les sens sur tout ce qui bouge ou ne bouge plus, car au final, un flingue est plus efficace que tout.
Si on a envie de western, de règlements de compte, de bain de sang, de revoir Tim Roth, Michael Madsen ou Jennifer Jason Leigh (trop rares sur les écrans) ou d'écouter la nouvelle partition d'Ennio Morricone, en avant pour le dernier Q. Tarentino.

lundi 31 août 2015

Intétieur nuit/M. Pessl (Gallimard)

Rentrée littéraire suite, côté étranger, et le hasard (lecture de la quatrième de couverture et du premier paragraphe) est une fois de plus bienheureux : "Intérieur nuit" est un joyau, une pépite, une histoire extraordinaire à affoler les boîtes de production du 7ème Art et les casting.
Tout est cinématographique dans ce roman, le titre, le charisme des personnages, les décors, l'intrigue, la narration.
Scott Mc Grath, journaliste redoutable, tenace et talentueux a connu des jours meilleurs : tout ce qu'il a semble commencer par ex, ex-boulot, ex-femme, vite, il lui faudrait une bonne enquête pour se détourner de son seul compagnon actuel, le pure malt. Une nuit il fait une rencontre hallucinatoire dans un parc : une silhouette joliment enveloppée d'un manteau rouge apparaît et réapparaît au détour d'une allée, d'un arrêt de bus pour finalement disparaître comme dans un rêve. Et peu de jours après un fait divers dans les journaux l'interpelle : le suicide de la fille de Stanislas Cordova, un monstre sacré du cinéma fantastique dont la renommée sulfureuse avait titillée sa curiosité de journaliste et lui avait valu un procès pour diffamation. Mais ne serait-ce pas une nouvelle investigation inespérée pour se sauver de lui-même? Assisté par deux acolytes peu ordinaires (mais rien de l'est ici) ce sera une plongée dans le passé d'un réalisateur mythique qui joue l'Arlésienne depuis des années. On visitera un Manhattan proche de Gotham, un institut pour névrosés qui rappelle Arkham, un domaine fantasmagorique semblable à Xanadu, un site Internet visible que par les geeks de génie... bref des péripéties entre cauchemar et réalité, une histoire de dingues à rendre la nuit blafarde.
A découvrir, à relire, à offrir, soit on détestera et laissera tomber au bout de quelques pages, soit on deviendra accro et les 700 pages seront dévorées en moins de jours qu'on a de doigts sur une main.

jeudi 20 août 2015

La septième fonction du langage/L. Binet (Grasset)

1980 en France, oups, cela commence à remonter pour les quadra comme moi, c'est le fin fonds de l'enfance, les premiers souvenirs sans trop avoir conscience du climat social, historique et politique d'alors. Et bien voilà une jolie piqûre de rappel savamment administrée par Laurent Binet sous forme d'une fiction aussi délirante que jubilatoire.
"La septième fonction du langage" nous entraîne dans le sillage des intellectuels, des politiciens et des agitateurs d'une France en pleine campagne électorale. Point de départ : la mort de Roland Barthes, fauché par une camionnette en février 1980. Simple et tragique accident normalement, mais sous la plume d'un écrivain pas forcément : et si?...
S'ensuivent une intrigue façon polar, avec duo d'enquêteurs improbable (un inspecteur brut de décoffrage et un jeune maître de conférence), une enquête itinérante nous menant aussi bien en Italie qu'aux Etats-Unis, une plongée dans les arcanes du pouvoir, une leçon compréhensible de linguistique (oui c'est possible) mais le plus jubilatoire, c'est la galerie de personnages rencontrés au fil des pages. Etaient-ils aussi dingues et délurés en vrai? Probablement. Outre les deux candidats à la Présidentielle, on croise en vrac Foucault, Sollers, Kristeva, Edern-Hallier, Alhusser, Lacan, Eco... et même les frères Bogdanov même s'ils ne sont pas nommés mais de suite reconnaissables à leur "costume de cosmonaute (sans le casque)".
Bref, pour une fois j'ai adoré un roman français, peut-être parce qu'il ne s'attarde pas sur le nombril d'une même personne (généralement l'auteur) (et pourquoi il est comme ci et pas autrement?) mais sur toute une époque avec son contexte intellectuel et ses troubles, car dans "La septième fonction du langage" y'a quand même plus de vrai que de fiction.

mardi 14 juillet 2015

"Studs Terkel Working" sous la direction de P. Buhle (Editions çà et là)

Aux Etats-Unis Studs Terkel (1912-2008) est bien connu du milieu radiophonique pour ces illustres inteviews. Ses sujets de prédilection : l'homme, la société américaine et son évolution. Que du sérieux et du bien documenté. Peu après sa mort, Paul Buhle décide de superviser une adaptation graphique de ces témoignages : ainsi avec l'aide de Harvey Pekar, il fait appel à quelques uns des plus talentueux auteurs de la scène indépendante pour offrir un album absolument passionnant "Studs Terkel Working".
On part donc à la rencontre d'hommes et de femmes qui parfois se sont tués à la tâche, ont exercé leur profession avec une passion inimaginable, affronté les dures lois du marché, les préjugés, ou enchaîné les emplois pour à peine survivre. On ressent chacun de leur état d'âme : l'épuisement physique et moral, la frustation, la satisfaction du travail bien accompli ou l'envie de poursuivre autant que le corps suit.
Mon préféré, Elmer Ruiz le fossoyeur et son respect pour les morts :"Il y a environ cinq ans, on a eu un enterrement, le bonhomme pesait 180 KILOS. Il tenait pas dans le descendeur. On a bien un gros tracteur qu'on aurait pu prendre, mais CA AURAIT PAS FAIT BIEN, parce que descendre un cerceuil avec un tracteur, c'est comme si on descendait n'importe quoi. Faut du RESPECT... On l'a fait à la main. On était une demi-douzaine de gars."
Cet album, c'est une peinture de la société, pas seulement américaine : ces destins pourraient se vivre dans n'importe quel pays, à n'importe quelle époque passée présente et future. Il pourrait illustrer un cours d'histoire, de sociologie ou d'arts plastiques car chaque dessinateur apporte son univers graphique.

lundi 6 juillet 2015

"Rouge comme la neige" de C. De Metter (Casterman)

1896, dans l'hiver mordant du Colorado tentent de survivre Joddy MacKinley et son fils, sans pouvoir oublier la mort de son mari et surtout la disparition de sa fille six ans auparavant. Un jour un inconnu frappe à la porte de leur cabane et tout pourrait bien changer : dans la ville voisine un homme a été arrêté pour tentative d'enlèvement de môme. Il s'appelle Buck MacFly, et s'il détenait des informations sur son enfant chérie? Ni une ni deux, elle embarque fils et flingue afin de rencontrer le prisonnier en secret. Du fond de la cellule émergent des révélations pleines d'espoir, Joddy joue alors le tout pour le tout : elle fait évader Buck et les voilà partis pour une chevauchée blanche comme la neige et rouge comme le sang à travers les Rocheuses.
Bien, étant fan de western et une inconditionnelle de C. De Metter depuis ses débuts, cet album ne pouvait que me ravir. Incroyable comme cet homme maîtrise tous les genres, la chronique sociale ("Emma" ou "Le Curé"), le drame historique ("Le sang des Valentine"), le thriller ("Scarface") et maintenant le western crépusculaire. L'histoire est sombre, très sombre et désespérée, quant au dessin, il est à se prosterner comme d'habitude : monochrome et des traits de crayon apparents. "Rouge comme la neige" est une pépite à contempler avec admiration, à examiner dans tous les recoins, à chérir quelque part dans sa bibliothèque.


mercredi 10 juin 2015

Le héros discret/M. Vargas Llosa (Gallimard)

Enfin le retour de ce très cher Mario Vargas Llosa avec "Le héros discret" : pourquoi au singulier d'ailleurs? J'aimerais trop me retrouver en face de cet incroyable écrivain pour lui demander, et pas que ça. Au fil des ans son style est toujours aussi envolé, ses histoires truculentes et ses personnages attachants. Pourtant au départ, ils n'ont l'air de rien, ce sont des personnes qui tracent leur voie à partir de rien, s'adaptant aux évolutions sociales et affrontant les vicissitudes de la vie au mieux.

Ici nous faisons tout d'abord connaissance avec Felicito Yanaqué : petit bonhomme maigrichon paisible, il est le patron d'une entreprise de transport florissante, trop pour certains, si bien que son monde est fortement perturbé lorsqu'il reçoit une lettre lui quémandant de l'argent contre une protection, du racket en somme, cela fleure bon la mafia. Mais le petit homme a sa fierté, inculquée par un père austère mais aimant, par principe il ne cèdera jamais à aucun chantage, et il fait ce que nul n'aurait osé, porter plainte auprès de la police et dire non par média interposé. Ainsi deviendra-t-il dans sa petite ville un révolté contre la corruption, un héros, et sa vie privée beaucoup moins à son grand désespoir, faut avouer qu'il cachait bien son jeu : depuis des années il entretient une jeune et jolie maîtresse...

Puis en chapitres alternés nous découvrons deux habitants de Lima : Ismael Carrera, un riche octogénaire qui pour éviter que sa fortune ne soit dilapidée par ses jumeaux fainéants et noceurs, épouse sa gouvernante à l'effarement de tous ; et Rigoberto (oui!!! Trop sympa de le retrouver!), son ami de toujours, soutien incontestable des fantaisies du  millionnaire.

M. Vargas Llosa nous conte non seulement l'histoire d'hommes qui se dressent pour dire non, mais aussi nous dresse un portrait du Pérou moderne, en pleine mutation. Comme à son habitude, il rajoute une pincée d'épices bien aphrodisiaques et de bonnes cuillerées d'humour acéré pour nous offrir un roman bouillonnant, jubilatoire et réaliste.

lundi 1 juin 2015

Dans la colère du fleuve/T. Franklin et B. A. Fennely (Albin Michel)

Fin fonds du Mississipi, 1927, à la veille de la Grande Dépression : Hobnob est une petite ville mal protégée par une digue, hors les cieux se déchainent en pluies furieuses. C'est aussi le temps de la Prohibition et des bootlegers. Dixie Clay Holliver, jeune femme désabusée par son mariage, a choisi pour lutter contre l'ennui de distiller un des meilleurs bourbons du coin que son homme, Jesse le beau gosse revend. C'est aussi le temps de la corruption, des agents du fisc commandés par Hoover, qui se jouera l'un de l'autre du chat engraissé ou de la souris pas si innocente?
Dans ce déchainement des eaux débarquent les agents Ingersoll et Ham, aussi différents que complices, à la recherche de deux de leurs confrères mystérieusement disparus. Ils recueillent en chemin un bébé orphelin, et ne voulant point l'abandonner aux autorités partent en quête d'une mère. Ainsi vont-ils croiser Dixie Clay et Jesse.
"Dans la colère du fleuve", c'est une peinture d'époque soigneusement documentée, des rencontres émouvantes, les personnages sont attachants par leur fragilité et leur sincérité, des histoires d'amour tristes ou attendrissantes, bref un puissant roman du Sud rendant hommage aux faibles et oubliés animés par un extraordinaire instinct de survie.

mercredi 6 mai 2015

"Moby Dick livre premier" de C. Chabouté (Vents d'Ouest)

Si les classiques vous effraient, surtout si ce sont des pavés de plus de 400 pages, n'ayez crainte, le 9ème Art vient à votre secours, il existe quelques adaptations des plus réussies, et cet album en est la preuve.
Honte à moi, je n'ai pas encore lu "Moby Dick", cela ne saurait tarder maintenant : il se trouve que Chabouté est un de mes créateurs de bd préférés, et ce depuis près de 20 ans.
Pour les non lecteurs d'Herman Melville, "Moby Dick" raconte la traque obsessionnelle du capitaine Achab à travers tous les océans, du monstre marin qui lui a fait perdre sa jambe. Le récit débute avec la rencontre du jeune Ismaël et de l'étrange Queequeg, forcés de partager le même lit dans une auberge, et de leur enrôlement à bord du Pequod, un navire légendaire dans le milieu des chasseurs de baleines. Voilà pour le fond, place à la forme.
Ceux qui me connaissent savent que je tombe à genoux devant le noir et blanc, que ce soit en photo, en film ou en dessin. Chabouté armé d'un crayon noir devient un magicien face à une page blanche : point de nuance grise ou anthracite, seulement le noir et le blanc délimités par des traits nerveux, précis. Il a la même puissance d'évocation que Marc-Antoine Matthieu et Andréas. L'album se divise en chapîtres débutant chacun par un extrait du roman, calligraphiés à la plume d'antan. Peu de dialogues, des mots naissent des images, mais des images se dégagent les ambiances et dans les silences...


"Moby Dick" est un album bijou, la suite est déjà sortie, qui va s'y précipiter?

mardi 14 avril 2015

"Hey Joe" par Willy Deville (1992)


"Hey Joe" chanson mythique des années 60 mainte et mainte fois reprise dont ma version préférée demeure celle de Willy Deville même si d'habitude je ne suis guère mariachi. Alors pour les non anglophones ou les flemmards de la traduction, Joe est un gars du genre impulsif, passionné et malheureux en amour (sinon aucun intérêt d'en écrire une chanson) : sa belle est du genre volage aussi quand il l'apprend Joe ne se pose pas de question, il prend son fric et un flingue pour la tuer et s'enfuir au Mexique. Basique : amour, tromperie, vengeance, fuite. La narration est sous forme de dialogue, entre Joe pressé de partir et peut-être son meilleur ami, son cousin ou son voisin. Non ce que j'aime dans cette version (sans renier celle de Jimi Hendrix bien sûr) c'est cette légèreté à raconter un drame : à la fin de la chanson on n'a pas envie de se précipiter sur sa boîte de mouchoirs ou dans la Garonne, non on se dit que Joe va s'en tirer et aller faire ses bêtises ailleurs, car il ne changera jamais. Certes il ne vieillira probablement pas mais vivra fidèle à lui-même, et le premier à le contrarier saura qu'il a la gâchette facile.

lundi 30 mars 2015

"Les enquêtes du département V : Miséricorde" de M. Norgaard

Tout amateur de thriller connaît Jussi Adler-Olsen, auteur danois découvert grâce à la déferlante de ces romans venus du froid nordique, amorcée par Henning Mankell et vraiment popularisée par Stieg Larssen. De ce cher homme donc cinq volumes ont déjà été traduits, chacun attendu avec impatience. Son truc pour garder la fidélité de ses lecteurs? Ses personnages, un sacré duo (et plus tard un trio) : un inspecteur mis au placard et un assistant jusque là trimant à la paperasse.
Bonne nouvelle, les droits ont été rachetés pour le grand écran, voici donc le premier volet "Miséricorde".

Carl Morck n'est pas au mieux de sa forme : sa femme l'a quitté, ne veut même plus répondre à ses appels, et côté boulot ce n'est guère mieux. Une décision impulsive lors d'une intervention et le voilà avec un collège en moins et son meilleur ami paralysé. Relégué au sous-sol du commissariat dans un obscur et nouveau département, lui incombe désormais la tâche d'archiver de vieilles affaires. Pire, on lui impose Hafez el Hassad, un assistant d'origine syrienne aux goûts musicaux aussi bruyants que son café est infect. La cohabitation promet.

Une affaire vieille de cinq ans l'intrigue : la disparition d'une jeune polititienne, conclue en suicide mais sans corps retrouvé. Oh oh, pas normal cela, Carl décide envers et contre toute hiérarchie de rouvrir l'enquête. La suite, à vous d'aller voir.

L'adapation est est très plaisante : on retrouve la même complicité qui faisait le charme du roman dans ce duo que tout sépare. Carl Morck est un écorché vif, taciturne, têtu et bourru, ce qui en fait d'ailleurs un enquêteur hors pair. Quant à Assad, c'est encore tout un mystère, mais on le devine courageux et plein d'empathie pour autrui. Vivement la suite "Profanation", sortant d'ailleurs ces jours-ci car on devrait y retrouver un troisème personnage haut en couleur.