lundi 6 décembre 2010

"Brooklyn dreams" de JM deMatteis & G. Barr (Futuropolis)

Quand JM deMatteis se penche sur son passé, plus précisément son année de Terminale, les souvenirs remontent pèle-mêle de sa plume, pas forcément dans l'ordre, un évènement ressurgissant au hasard, vite en parler au risque de l'oublier. Cela donne un énorme album, en noir et blanc, magnifiquement illustré par G. Barr. L'auteur l'annonce d'entrée, le réel se mélangera à l'imaginaire, les digressions seront nombreuses.
Dans les années 70, Carl Vincent Santini achève ses années lycée. A la maison c'est un peu la foire entre sa mère (une juive qui grattouille rageusement son eczéma à la moindre contrariété) et son père (un italien très sanguin). Il habite New-York, à Brooklyn où il promène son mal de vivre, découvre la drogue et s'interroge sur son avenir. Au fil de ses mésaventures, il finira par découvrir sa vocation, scénariste.
JM deMatteis nous fait découvrir toute une époque à la manière d'un conteur, avec tristesse et drôlerie, réalisme et fantasme. G. Barr adapte parfaitement les couleurs du souvenir en offrant toute une palette de styles graphiques différents. "Brooklyn dreams" est un joyau dans l'univers du comics.

dimanche 28 novembre 2010

"Kane et Abel" de J. Archer (First)

Un roman fleuve, pour les heures froides hivernales, est un des meilleurs compagnons qui soit (après la couette et une cheminée, et un amoureux bien entendu). Justement en voilà un que les éditions First ressortent des tiroirs 30 ans après sa parution : "Kane et Abel" de J. Archer.
"Kane et Abel", cela rappelle un certain épisode biblique, et bien replacez-le à une époque contemporaine, le XX° siècle, la rivalité fraternelle est toujours aussi forte.
William Kane est l'unique fils d'un riche banquier bostonien, son avenir est tout tracé : inscrit en l'état de foetus dans un prestigieux collège privé, il héritera de l'empire financier familial. Son enfance est dorée, choyé comme la huitième merveille du monde, rien ne peut faire obstacle à son ascension.
A des milliers de kilomètres de lui, le même jour, naît Abel Rosnovski dans la glaciale forêt polonaise : orphelin, il est recueilli par une famille pauvre et nombreuse, son enfance ne sera que misère, s'échappant des camps de concentrations soviétiques, il parvient après bien des péripéties à regagner le Nouveau Monde.
Leur quête commune : le rêve américain, l'un l'a a portée de main, l'autre devra lutter âprement pour en approcher. Ces 2 destinées finiront par se croiser et s'affronter sur plusieurs décennies, s'adaptant aux méandres de l'histoire (la crise économique de 29, les guerres mondiales), à coups de spéculations boursières jusqu'au jour où leurs enfants s'en mêlent.
Une saga donc, fort bien menée, avec tous les rebondissements nécessaires pour passionner et s'attacher aux personnages et nous amenant aux 4 coins du monde.

lundi 1 novembre 2010

"L'homme inquiet" d'H. Mankell (Seuil)

Kurt Walander, cela fait des années que je suis ses enquêtes, ah combien de nuits blanches ai-je veillé à suivre ses investigations, à assister à ses joies, ses peines, ses colères,  ses doutes. Et maintenant, c'est fini, "L'homme inquiet" marque le dernier opus de sa vie. H. Mankell signe ici un de ses romans les plus émouvants. Sniff, sniff, sniff, à ce point oui.
Kurt Wallander a désormais la soixantaine, proche de sa fin de carrière. Il vit maintenant à la campagne, avec un chien, au moins un rêve de réalisé. Son diabète a empiré, son quotidien est rythmé par les piqures. Bien qu'il s'efforce à marcher le plus possible, il n'est pas à l'abri d'un malaise. Sa grande joie : il est grand-père, sa fille Linda partage sa vie avec un riche financier et vient de donner naissance à une petite Klara. Il se doit donc de rencontrer les beaux-parents : Hakan von Enke est ancien capitaine de frégate, sa femme Louise professeur . L'entente est plutôt bonne. Mais un jour Hakan disparait, et quelques temps plus tard Louise. En vacances, Kurt Wallander mène sa propre enquête, et elle va l'amener à voir du pays, à la rencontre de ceux qui étaient proches du couple.
Voilà qui est inhabituel, Wallander sur une affaire en dehors de ses obligations professionnelles. Faut avouer qu'il est une peu mis à l'écart pour l'heure, une négligence étonnante de sa part (il a oublié son arme dans un restaurant) et on lui conseille de rattraper ses retards de congé. Là commence à planer une ombre inquiétante : il est sujet à des oublis. Difficile de se l'avouer à soi-même, difficile de consulter un médecin, mais oui à 60 ans c'est la vieillesse qui commence à s'emparer de soi.
"L'homme inquiet", c'est comme le testament d'un homme au crépuscule de son existence. Il revoit certains évènements de sa vie, tous les lecteurs fan de Wallander verront des allusions à ses enquêtes passées, et lui se souvient des amis qu'il a perdu, des femmes qu'il a aimé. Le passage où Baïba revient le voir est un des moments les plus émouvants du roman, leur dernière nuit ensemble, à discuter, à s'endormir chacun son tour, à veiller l'un sur l'autre jusqu'au départ sans adieu, c'est d'une beauté à pleurer.
H. Mankell ne pouvait faire plus bel hommage à un de ses personnages. C'est lent, triste et poignant, adieu cher Kurt Wallander, que tes dernières années soient douces, à regarder grandir ta petite Klara.

vendredi 22 octobre 2010

"Le cortège de la mort" d'E. George (Presses de la Cité)

Saluons le retour de Thomas Linley, inspecteur, aristo, dont la femme Helen est morte assassinée voilà 5 mois. Après un séjour méditatif en Cornouailles, il reprend peu à peu son quotidien londonien. Point question encore de boulot, il commence à peine à revoir ses amis, mais le crime ne prend jamais de vacances.
A New Scoland Yard, une femme est nommée provisoirement commissaire, Isabelle Ardery, à la situation familiale un peu compliquée, séparée, ses jumeaux chez son ex mari avec une nouvelle compagne prenant très à coeur son rôle de belle-mère. Justement une affaire vient de tomber, on vient de découvrir le cadavre d'une jeune femme dans un cimetière, "qui ne devrait pas s'y trouver" au vue de sa gorge tranchée. Un meurtre donc. Peu rassurée dans ses nouvelles fonctions, face à une équipe regrettant l'élégant Linley, elle décide de faire appel à son aide. Il accepte au grand soulagement de tous.
Ce qui est intéressant chez E. George, c'est sa façon de s'attacher aux personnages. Tout en douceur avec son héros Thomas Linley, encore blessé par la perte brutale de son amour. Plein d'humour avec l'inénarrable Barbara Havers, les scènes de relooking sont d'une drôlerie... Et beaucoup de compréhension envers Isabelle Ardery et ses soucis personnels et professionnels. L'action, pourtant complexe, ne prend pas le pas sur les personnages, leurs relations, voilà la force de cette écrivaine anglaise, ne jamais négliger l'ambiance, prendre son temps pour installer son histoire.

jeudi 23 septembre 2010

"Un employé modèle" de P. Cleave (Sonatine)

Joe parait comme quelqu'un de tranquille. Sa routine semble se limiter à son appartement, ses poissons, son boulot, les transports en commun et les visites à sa maman. Tout le monde le trouve gentil, on l'aime bien au village comme on dit, un peu lent à la détente mais consciencieux et serviable. Le village, c'est le commissariat, c'est là qu'il travaille en tant qu'homme de ménage même si tous les soirs une vraie équipe de techniciens de surface oeuvre.
Mais surtout ne pas se fier aux apparences. Le choix de travailler en contact direct avec les forces de l'ordre n'est pas anodin. Le soir venu Joe le Lent se métamorphose en Joe le Serial killer, le Boucher de Christchurch qui terrorise les jeunes femmes de toute la ville, c'est lui. Et tous les jours il voit son palmarès s'afficher et grossir sur les murs du commissariat, il peut suivre pas à pas les piétinements de l'enquête. Or une des victimes n'est pas la sienne. Qui ose le copier? Joe décide de mener sa propre investigation.
P. Cleave prend sa propre ville Christchurch pour cadre à son roman noir. C'est fort bien mené, d'entrée  nous savons que nous sommes dans la tête du tueur. Nous le suivons du matin au soir, dans ses petites manies, ses journées monotones, ses virées nocturnes assassines. Certains chapitres nous donnent un point de vue extérieur en suivant Sally, travaillant aussi au commissariat, une jeune femme vivant toujours le deuil de son frère dont elle retrouve beaucoup de points communs en Joe ; elle craque pour lui et voudrait pénétrer son univers de doux naïf.
Les Etats-Unis ont Jeff Lindsay et son charismatique "Dexter", désormais la Nouvelle Zélande a Paul Cleave et Joe, son "employé modèle". A quand une adaptation sur grand ou petit écran?

samedi 21 août 2010

"Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants" de M. Enard (Actes Sud)

Voilà le petit bijou de la rentrée littéraire française, le nouveau M. Enard, "Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants", titre aussi long et évocateur que le récit est bref et enchanteur.
Venise, 1506, Michel-Ange, déjà loué pour sa statue de David, et en plein projet du tombeau du pape Jules II, répond à l'appel du sultan Bajazet pour concevoir un pont à Constantinople. Qui ne laisserait pas tout tomber surtout quand des soucis d'argent stoppe sa création? M. Enard nous propose ainsi de passer quelques semaines en compagnie du génie florentin, à découvrir la splendeur de cette capitale aux portes de l'Orient, ses odeurs capiteuses, son architecture fastueuse, ses artistes raffinés. Bien que tout soit mis à sa disposition, Michel-Ange tarde à se plonger dans ce projet de pont, préférant visiter, emplir son carnet de listes et d'esquisses, se faire faire la lecture. Un pont? Mais il n'en a jamais conçu, il est sculpteur, dessinateur avant tout, pas architecte. Il attend le déclic. Il viendra, un soir où il se décide à suivre son guide, poète favori du sultan, lors de ses ivresses nocturnes dans les tavernes de la cité.
Ces quelques pages, vraiment trop peu nombreuses, sont une belle invitation au voyage, un morceau d'histoire de l'art, un pur moment de bonheur littéraire.

mardi 17 août 2010

"L.A. Story" de J. Frey (Flammarion)

"Chaque année, à huit heures du matin le deuxième samedi de juillet, des centaines de personnes se rassemblent devant une voie ferrée de Los Angeles pour montrer leurs culs aus passagers des trains qui passent." 

Selon J. Frey voici ce qui peut se passer à L.A. La cité des anges (souvent déchus) est le personnage central de son roman foisonnant. Cela fait penser au magnifique"Short cuts" de R. Altman, une histoire faite de petites chroniques : L.A. à toutes les époques, ses catastrophes naturelles récurrentes, ses vagues d'immigrants, son ascension, son développement urbain, ses infrastructures, l'envers du décor... et surtout ses habitants qui ont tous leur rêve américain. J. Frey s'attache à quelques uns, tous de milieux différents : Esperanza, jeune fille désirant faire la fierté de sa famille venue du Mexique en entrant à l'université ; Amberton, acteur star du moment dissimulant sa nature homosexuelle derrière un mariage de convenance ; Maddie et Dylan, jeune couple ayant fuit l'Ohio pour un avenir meilleur ; et Joe, sdf amoureux du Chablis et aidant les âmes à la dérive.
Cela pourrait être le manuel pour comprendre Los Angeles avec des chapitres histoire, économie, politique, sociologie, entrecoupés d'anecdotes, de portraits, le tout sur un style enlevé, très cinématographique, tour à tour acéré, drôle et tendre. Mais avec J. Frey il faut se méfier, tout n'est pas que stricte vérité, il l'avoue d'entrée :
"Il n'y a rien dans ce livre qui doive être considéré comme exact ou digne de foi."

lundi 9 août 2010

"Sherlock" saison 1 épisode 1 (BBC)


Nouvelle adaptation de la littérature au petit écran : la BBC s'attaque au mythique Sherlock Holmes, transportant le fantasque détective du Londres brumeux fin XIX°  au Londres très technologique du XXI°, et c'est sincèrement une grande réussite.
La mini série débute par la rencontre entre Sherlock Holmes, jeune détective offrant gracieusement son point de vue acéré aux autorités, et John Watson, médecin militaire de retour d'Afghanistan. L'un cherche un colocataire, l'autre un assistant. Direct présentés, direct dans le bain : des suicides un peu trop similaires et Sherlock flaire le tueur en série. L'enquête est menée avec brio, les dialogues semblent tout droit sortis de la plume de Conan Doyle, et tous les joujoux modernes comme le portable, l'ordinateur et Internet s'intègrent parfaitement dans la narration. L'on croise tous les lieux et personnages importants : le 221b Baker Street, Mrs Hudson, l'inspecteur Lestrade, Mycroft et... le Professeur Moriarty, évoqué en grandes pompes.
Le mythe est bien dépoussiéré, on est vite charmé et emporté par le tandem Sherlock/Watson, toujours aussi complémentaire et par l'enquête bien rythmée. Vivement la deuxième aventure!

jeudi 5 août 2010

"The Pillars of the Earth" saison 1 épisodes 1&2


Adapter un roman fleuve à l'écran, le défi est de taille, mieux vaut une mini série, nous voilà servis, et fort bien. Le beau cadeau nous vient de la chaîne Starz.
Nous plongeons en plein XII° siècle, en Angleterre, dans le royaume imaginaire de Kingsbridge. Les temps sont troubles, l'héritier de la Couronne vient de périr dans un naufrage, la santé du Roi ne présage non plus rien de bon, le trône est donc âprement convoité par sa fille et son neveu. Ca c'est pour la toile de fond politique. A cette époque, qui dit politique dit religion, or le prieuré aurait bien besoin d'une nouvelle cathédrale après l'incendie de son église. Là entre en scène notre héros récurent, Tom le bâtisseur, qui parcourt la campagne désespérément à la recherche d'un travail pour nourrir sa famille. Mais parmi les représentants de Dieu, les ambitions personnelles prennent aussi le dessus, certains désirent vraiment honorer le Tout Puissant, d'autres préfèrent s'honorer eux-même. La cathédrale rêvée de Tom, aux dimensions jamais encore imaginées, s'élèvera-t-elle un jour?
"The Pillars of the Earth" est donc une fresque historique, qui se veut plus divertissante que fidèle documentaire.La distribution est prestigieuse, des visages connus permettent de s'y retrouver dans la pléiade de personnages présentés dès ces premiers épisodes. C'est légèrement fouillis mais cela ne saurait durer, les intrigues deviennent vite passionnantes. Vivement la suite.

mercredi 4 août 2010

"Salt" de P. Noyce

Evelyn Salt est une très jolie femme, pas du genre blonde évaporée à s'évanouir à la moindre goutte de sang, que nenni, elle en ferait plutôt beaucoup couler. Elle est une des têtes fortes de la CIA et pour l'heure elle sort des geôles fort accueillantes de la Corée du Nord après un échange de prisonniers. La vie poursuit son cours, malgré les risques de son métier, elle concilie mariage et carrière professionnelle, adulée de tous. Un jour un espion transfuge est amené à la CIA et il dévoile une conspiration des plus inquiétantes : la Russie formerait dès l'enfance des agents dormants, implantés aux Etats-Unis pour perpétrer des actes terroristes à grande échelle. Et Evelyn Salt serait l'un d'entre eux... Oh? Stupeur, méfiance et course poursuite car Evelyn se sauve, mais pour prouver quoi? Qu'elle est un agent dormant? Un agent double?
Voilà comme se présente "Salt", le film d'action de fin d'été, et bien qu'au niveau scénario cela demeure plutôt faible, au niveau action, on est fort agréablement servi : poursuites, cascades, fusillades... et le charme d'Angelina Jolie pour envelopper le tout. De quoi se divertir et pas autre chose.

jeudi 8 juillet 2010

"jPod" de D. Coupland (Au Diable Vauvert)

Vancouver, Neotronic Art, une société conceptrice de jeux vidéo. Tel est le nouveau décor du dernier roman traduit de D. Coupland, "jPod". Et nous voilà embarqués dans le sillage désordonné d'une bande de game-designers, dont tous les noms débutent par un "j", en pleine immersion chez les geeks.
Le narrateur Ethan Jarlewski est un univers à lui tout seul : il se débat tant bien que mal entre son boulot aux horaires farfelus, ses collègues tous plus que moins barges et ses parents un rien envahissants, plus enfants terribles qu'adultes responsables. S'ensuivent des scènes hilarantes, absurdes, où l'insignifiant prend des proportions abracadabrantes. De plus, D. Coupland se met lui même-en scène dans un personnage tentant de semer la zizanie au sein de l'équipe. Et pour ajouter un côté ludique, il parsème son roman d'intermèdes où le lecteur peut participer aux défis débiles que seuls des geeks peuvent se lancer entre eux.
"jPod" prouve une fois de plus que D. Coupland est un grand témoin de son temps, avec sa vision très acérée de la génération Internet. Son roman est jouissif, drôle, comme d'habitude.

vendredi 2 juillet 2010

"Limousines blanches et blondes platines" de D. Fante (13E note)

Bruno Dante (alias évident de Dan Fante) traverse une nouvelle passe : la publication de son premier manuscrit vient d'être retardée pour une durée indéterminée, autant dire qu'elle est tombée aux oubliettes, son patron le vire avec un chèque non signé et ses problèmes d'alcool ne vont pas s'arranger sans argent.
En parcourant les offres d'emploi il tombe sur une annonce de Dav-Ko, un de ses anciens employeurs à New-York. Pourquoi ne pas tenter sa chance même dans son misérable état? Le big boss, David Koffman se souvient de lui et lui fait une proposition en or : un boulot de "chauffeur en chef nourri logé blanchi", à condition de gérer ses amis alcool et cachets de substitution. En plus il aura du temps pour écrire. Et voilà Bruno plongé dans le monde du luxe au volant d'une limousine, dans la faune extravagante et superficielle du gratin d'Hollywood, à jongler entre écriture boulot bouteille et mésaventures diverses. Parfois il fait une belle rencontre, comme JC Smart, une vieille dame adorant sa petite fille top-model, son chat et la littérature, et cela pourrait bien donner un coup de pouce à sa carrière d'écrivain.
"Limousines blanches et blondes platines" sous ses airs de fiction en révèle beaucoup sur la vie chaotique d'un écrivain underground, tour à tour drôle et désespéré. Au fil du récit des références à son père (à noter en bonus 2 textes des plus intéressants par et sur Dan Fante), à  Hubert Selby Jr et Charles Bukowski, tous mes auteurs favoris, alors comment ne pas aimer ce roman?   

mardi 29 juin 2010

"Luther" saison 1 (BBC)


John Luther, policier très impliqué, trop aux yeux de sa femme, applique des méthodes parfois troubles pour faire régner la loi : néanmoins faute de preuve il garde son boulot. Le dernier tueur qu'il poursuit se retrouve à l'hôpital dans le coma suite à une chute, et son réveil pourrait se révéler problématique pour la suite de sa carrière. John Luther est redoutable, autant pour les autres que pour lui-même : il sait comme personne déceler le mensonge chez les témoins (là il ressemble à Cal Lightman de "Lie to me") mais il est doté d'un naturel violent.
Son affaire suivante, le meurtre d'un couple par leur fille, Alice Morgan, une jeune femme fort intelligente et inquiétante : c'est un peu le double féminin de John Luther, aucune preuve pour l'accuser mais elle sait que John sait et sa violence, elle la maîtrise à la perfection. Entre les 2 commence un jeu du chat et de la souris, c'est le fil conducteur de la mini série, comment leur rapport de force va se transformer en une étrange amitié.
Pour incarner ce policier à fleur de peau, Idris Elba est parfait et cela fait plaisir de le revoir après "The wire", il est charismatique et tourmenté.
Quant au traitement de l'image il peut dérouter au premier abord, pas de caméra à l'épaule gigotant dans tous les sens ni de plan serré non, au contraire, les cadrages sont très larges, les personnages semblent perdus dans un coin, écrasés par le ciel ou le décor. C'est qu'ils ont de quoi être dépassé par les situations. Pas de suite prévue pour le moment, mais ce serait bien...

lundi 14 juin 2010

"Le chuchoteur" de D. Carrisi (Calmann-Levy)

Spécialisé en criminologie et en sciences du comportement, D. Carrisi délaisse le droit pour se consacrer à l'écriture sans toutefois oublier ses connaissances puisque son premier roman est un thriller en puissance. Faut avouer qu'il frappe fort, s'inspirant de faits réels, "Le chuchoteur" est passionnant de la première ligne à la dernière.
Mila Vasquez est spécialiste des enlèvements d'enfants, avec un taux de réussite impressionnant, aussi est-il naturel qu'elle intègre l'équipe de Goran Gavila pour résoudre l'affaire sinistre de 6 petites filles kidnappées dont pour le moment seuls les bras gauches ont été retrouvés enterrés. Le fil de l'enquête révèle peu à peu plusieurs méchants, orchestrés par un individu aussi intelligent que machiavélique qui sèmera le trouble au sein de l'équipe. Les rebondissements et les retournements ne cessent de tout remettre en question.
D. Carrisi se révèle un maître du suspens, très proche de ses personnages, avec un style descriptif et imagé faisant froid dans le dos. Nouveau venu dans le domaine du thriller, à suivre de très près.

lundi 7 juin 2010

"Proies" de M. Hayder (Presses de la Cité)

Le commissaire Jack Caffery et le sergent Flea Maley sont de retour. Ils se sont un peu perdus de vue ces derniers mois, la confiance qu'ils se portaient mutuellement quelque peu émoussée par leur affaire précédente (cf "Skins"). Mais à Bristol il se passe des choses terribles comme dans toutes autres villes. Un homme, dissimulé sous un masque de Père Noël, s'occupe en faisant du car-jacking, visant une femme seule, mais une enfant se trouvait sur la banquette arrière. Tout voleur s'en apercevant la laisserait au plus vite au bord de la route, sauf que là non, le vol avec violence se transforme en enlèvement et chantage à la clef. Au cours de l'enquête d'autres affaires similaires surgissent, et une autre petite fille est enlevée de la même façon. Jack Caffery et Flea Marley se trouvent confrontés à un sale individu au profil redoutable : très intelligent, machiavélique, patient, semblant se jouer des autorités.La confiance entre eux peut-elle revenir?
"Proies", c'est du très bon M. Hayder, meilleurs à mon goût que "Rituel" et "Skins" (où j'avais néanmoins découvert avec plaisir Jack Caffery et Flea Marley), aussi prenant que "Tokyo" et "Pig Island". Mon personnage favori demeure cependant le Marcheur, le sage de l'histoire, libre, sans attache mais organisé, un garde-fou vers qui se réfugier quand tout semble sombrer.

vendredi 4 juin 2010

"La compagnie des menteurs" de K. Maitland (Sonatine)

"1348 La peste a envahi l'Angleterre 
et les mensonges que vous proférerez 
vous conduirons à la mort"
C'est sur ce préambule réjouissant que K. Maitland accueille son lecteur dans "La compagnie des menteurs". Nous voilà donc plongés dans un Moyen-Age bien sombre et menaçant, en compagnie de 9 personnages tous aussi différents les uns des autres : un camelot de reliques (le narrateur), un magicien, un conteur, 2 musiciens italiens, une domestique, une jeune voyante de 12 ans et un couple avec héritier sur le point de naître. La peur de la peste les amène à faire route ensemble vers le nord du pays, loin de cette mort galopante. Et nous les accompagnons dans ce long périple, dans le froid mordant de l'hiver, sous une pluie glaciale, traversant des bois épais, des forêts lugubres, des villages dépeuplés avec parfois de curieuses traditions (comme le mariages d'infirmes  pour conjurer le malheur). Dans ces conditions si chaotiques, comment résistera notre petite troupe? D'autant que le mauvais sort semble les poursuivre et en frapper jour après jour les membres...
K. Maitland offre avec "La compagnie des menteurs" un très beau récit avant tout historique, teinté de fantastique et doublé d'une intrigue policière (le premier mort n'étant découvert qu'à la moitié du roman). Son Moyen-Age est inquiétant à souhait, ses personnages très fouillés, leur côté obscur peu à peu dévoilé, le tout se dévorant avec délectation jusqu'à l'ultime révélation.

samedi 29 mai 2010

"Là où vont nos pères" de S. Tan (Dargaud)

Dans le catalogue Dargaud existe une magnifique collection, "Long courrier". L'album "Là où vont nos pères", sorti en 2007 en est un des plus beaux one-shot. La couverture avec son ton sépia, son dessin au trait délicat chatouille l'oeil. Et sur les 128 pages intérieures, tout n'est que douceur, onirisme et splendeur. Aucune bulle le long du récit, place au dessin et à l'imagination.
L'histoire : celle d'un homme amené à quitter sa famille pour trouver un meilleur avenir ailleurs, son arrivée dans un pays inconnu, sa nouvelle vie, ses difficultés à s'intégrer. En l'absence de texte, tout n'est pas évident au premier abord, qu'importe, on s'immerge dans les planches, subjugué par les petites vignettes ou fasciné par les pleines pages. C'est trop beau, on se perd dans la contemplation, cet album est autant une oeuvre d'art qu'un récit graphique.


Alors, y'a de quoi s'oublier non?

mardi 11 mai 2010

"Brooklyn's finest" d'A. Fuqua

Faire régner l'ordre et la loi à New-York n'est déjà pas de tout repos, alors à Brooklyn... Sal, Eddie et Tango en arpentent depuis longtemps les rues chaudes. Ils ne se connaissent pas et mènent chacun leur vie différemment. Sal est marié, 3 enfants,des jumelles à venir et beaucoup de dettes. Eddie est en fin de carrière et ne trouve un semblant de réconfort que dans les bras d'une prostituée. Quant à Tango, c'est un infiltré chez les dealers du coin, flirtant dangereusement avec la légalité, au bout du rouleau. 3 destins qui ne devraient jamais se rencontrer mais à Brooklyn une affaire est souvent liée à l'autre.
A. Fuqua dirige à merveille son trio d'acteurs, Ethan Hawke, Richard Gere (trop bon de ne pas le voir en homme sexy de l'année) et Don Cheadle (mon chouchou) et dépeint un monde noir, violent et sans espoir. Ah nous sommes loin des films où être flic est le plus beau métier du monde!

jeudi 29 avril 2010

"Le goût des pépins de pomme" de K. Hagena (Anne Carrière)

Iris est bibliothécaire à Fribourg. A sa grande surprise, à la mort de sa grand-mère Bertha, c'est elle qui hérite de la maison familiale, située dans la campagne nord allemande, et non sa mère Christa ou une de ses tantes, Inga et Harriet. Au départ, aucune raison de garder cette vieille maison, elle prend cependant quelques jours pour régler cet héritage encombrant. Sitôt franchi le seuil, des odeurs douçâtres l'assaillent, les souvenirs affleurent, chaque pièce lui évoque un moment de son enfance. Ainsi découvre-t-on peu à peu le destin de cette famille dominée par les femmes.
"Le goût des pépins de pomme" est un délicieux récit sur le souvenir. K. Hagena écrit d'une manière très sensuelle : ses description du jardin sont fabuleuses, des odeurs nous assaillent, des images verdoyantes chatouillent l'oeil ; et ses personnages sont tour à tour drôles, tristes et émouvants. Le roman est à l'image de sa couverture, d'un charme désuet et acidulé.

mardi 27 avril 2010

"Le secret de Crickley Hall" de J. Herbert (Bragelonne)

Gabe Caleigh est ingénieur à Londres. Une de ses missions l'amène pour quelques mois hors de la capitale et hop il embarque sa femme, ses 2 filles et le chien dans une nouvelle maison en pleine campagne. Un changement de décor est le bienvenu car toute la famille traverse un drame : il y a un an disparaissait Cameron, leur adorable bambin dont le corps demeure jusqu'ici introuvable. Ne pas savoir s'il est toujours ou non de ce monde, voilà l'insupportable et chacun intériorise sa douleur à sa manière. Les voilà donc pour un temps locataires de Crickley Hall, une demeure inhabitée depuis fort longtemps, pas spécialement chaleureuse avec ses pièces fonctionnelles, seul le hall est remarquable, mais bon, un rayon de soleil et tout devrait être plus accueillant.
La première nuit n'est pas des plus paisibles, Crickley Hall est tout sauf silencieuse mais c'est souvent le cas dans les antiques maisons. Sauf qu'à voir l'attitude affolée du chien, plus d'un serait vite reparti dès le lendemain en se fiant à son instinct. Peu à peu la famille découvre la triste histoire de cette demeure, tout le monde au village la connaît : durant la Seconde Guerre Mondiale, elle servait d'orphelinat pour les enfants évacués des villes, tenue de main de fer par Augustus et Magda Cribben, frère et soeur, des fanatiques religieux, lui surtout. Mais en 1943 une inondation noie tout le village et depuis, Crickley Hall s'élève solitaire, désolée et crainte. Les lieux ne gardent-ils pas en mémoire les évènements tragiques? L'intrusion des Caleigh ne va-t-elle pas réveiller les fantômes, déranger les esprits?
Ce roman de J. Herbert ravira les amateurs de maison hantée. L'ambiance est étrange, oppressante, se dégagent des images tours à tours poétiques, glaçantes ou effrayantes. Idéal à lire la nuit bien au chaud sous au moins 3 couettes.

samedi 3 avril 2010

"Orages ordinaires" de W. Boyd (Seuil)

Adam Kindred est climatologue. Il est à un tournant de sa vie : après plusieurs années passées aux Etats-Unis il revient à Londres, dans l'espoir d'obtenir un poste à l'Imperial College. L'entretien d'embauche semble prometteur. Pour se détendre, il mange au restaurant. Par hasard il y fait la connaissance d'un autre scientifique le Dr Philip Wang. Rencontre anodine qui va bouleverser sa vie. En une soirée son existence bascule, pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment, il perd tout ce qui fait de lui un honnête citoyen. Traqué par les autorités et un tueur à gages, le voilà obligé d'entrer dans la clandestinité, de se terrer dans les bas fonds de Londres. Ah il en voulait du changement! Et c'est tout un monde underground qu'il découvre et toute une faune de débrouillards qu'il côtoie alors.
W. Boyd livre avec "Orages ordinaires" une très belle histoire d'initiation, de descente aux enfers et de rédemption.

samedi 27 mars 2010

"Le livre des morts" de G. Cooper (Le Cherche Midi)


Will Piper est agent du FBI, spécialité profiler. Lui est refilée une affaire qu'il souhaitait dès le début mais dont maintenant il se passerait bien à quelques mois de la retraite. Dans le lot est compris une partenaire, une jeune femme un peu trop plein d'enthousiasme et d'assurance qui semble en savoir beaucoup sur sa réputation d'alcoolo et de séducteur. Le duo aura des débuts difficiles. L'affaire : des victimes avec pour seul point commun d'avoir reçu un carte postale leur indiquant le jour de leur mort. Ainsi naît le tueur de l'Apocalypse, avec des modes opératoires différents ce qui est tout à fait inhabituel.
Mais ce n'est pas tout, ce qui ressemblerait à un thriller traditionnel palpitant se double d'un fond historique. En parallèle, G. Cooper nous conte 2 autres histoires. Celle d'une part de la zone 51 avec un retour en 1947 avec ses mystères qui ne sont peut-être pas si verts que cela. Et d'autre part celle de l'île de Wigh au large de l'Angleterre et de son monastère, avec un grand bond dans le passé pour nous retrouver en plein Moyen-Age. Ces chapitres sont les plus réussis et le suivant est toujours attendu avec une grande impatience.
G. Cooper avec son "Livre des morts" fait une très belle entrée dans le monde du thriller, impossible de lâcher son roman avant la fin, vite que son deuxième soit traduit.

lundi 15 mars 2010

"Les visages" de J. Kellerman (Sonatine)

Le talent est parfois héréditaire, et quand on est la descendance de Faye (dont je ne connais pas encore les écrits) et Jonathan (dont j'adore certains thrillers) Kellerman, on est attendu au tournant. Voilà donc "Les visages" et c'est palpitant du début à la fin.
Ethan Muller est galeriste, ses préférences, l'art brut. Issu d'une famille de bâtisseur d'empire, donc fort riche, ses relations avec son père ne se font que par l'intermédiaire d'un domestique, Tony, qui un jour lui présente les dessins d'un certain Victor Cracke, disparu semble-t-il de la circulation. Coup de foudre pour ces dessins, une expo est immédiatement organisée, les critiques sont élogieuses, les zéros s'accumulent sur les chèques, tout va pour le mieux dans le monde fermé des arts. Mais ces oeuvres éveillent la mémoire d'un policier à la retraite et mourant, certains visages dessinés seraient les portraits d'enfants disparus plusieurs années auparavant. Ethan Muller va donc se lancer à la recherche de l'artiste, mais c'est comme poursuivre une fantôme.
En parallèle est comptée l'histoire de la famille d'Ethan Muller, de ses ancêtres, de leur arrivée dans le Nouveau Monde, de leur difficile et prodigieuse ascension sociale. Pas de grand renversement de situation, tout est doucement distillé au fil des pages, mais la surprise n'en est pas moins là au terme de ce fabuleux thriller. Cela peut étrangement faire penser aux premiers romans de P. Auster (du temps de "Moon Palace" ou du "Léviathan) : ce n'est pas qu'un thriller dans un milieu chic et élégant, c'est aussi toute la saga d'une famille.

vendredi 12 mars 2010

"Shutter Island" de M. Scorcese


Voilà encore une adaptation d'un de mes auteurs favoris, D. Lehane, et par M. Scorcese. Très attendue.
Shutter Island, c'est un Alcatraz pour les névrosés et autres déséquilibrés mentaux dont plus personne ne veut sur le continent américain, une île seulement desservie par un ferry quotidien, quand le temps ne fait pas des siennes. Nous sommes en 1954, en pleine guerre froide. Débarquent le marshall Teddy Daniels et son partenaire Chuck Aule pour élucider la disparition d'un des patientes, Rachel Solando là pour avoir noyé ses 3 enfants. L'enquête s'annonce difficile, le directeur est étrange, les soignants hostiles et les patients... ben interroger des dingues n'est pas chose aisée. Sans compter que Teddy Daniels est rongé par un passé tourmenté et des démons intérieurs. Une histoire de fous dans un espace inquiétant et oppressant, qui en ressortirait indemne?
"Shutter Island" est un huis-clos, une plongée dans la folie, serti par des décors gothiques, une lumière en clair obscur et une très belle interprétation. Et très fidèle au roman.

jeudi 11 mars 2010

"Invisible" de P. Auster (Actes Sud)


1967, New-York, une soirée mondaine où s'ennuie Adam Walker, jeune auteur. L'aborde un couple excentrique et aisé, lui Born, universitaire bouillonnant, elle Margot, sulfureuse créature. Cette rencontre semble changer le destin d'Adam, Born lui propose de diriger et publier la revue culturelle dont rêve tout écrivain.Mais comme se définit si bien Born, il est un "spécialiste du désastre", dans quelle histoire trouble Adam va-t-il se retrouver? C'est la première partie du nouveau roman de P. Auster, "Invisible".3 suivront.
P. Auster revient à ses récits à tiroir, du temps de sa Trilogie new-yorkaise. A chaque partie un point de vue différent, avec saut dans le temps et l'espace. A quel narrateur se fier? A nous de reconstituer le puzzle. Et quand on pense cerner la vérité...
"Invisible" ne se repose pas, il se lit jusqu'au bout, avec délice mais à trop grande vitesse.

mercredi 24 février 2010

"Le visiteur du Sud" 1 & 2 de O. Y. Jin (Flblb)



Attention, énorme coup de coeur pour le manwha de Oh Yeong Jin, "Le visiteur du Sud, le voyage de Monsieur Oh en Corée du Nord".
Pourtant au premier abord le dessin n'est guère séduisant, enfantin, simpliste, impossible d'imaginer des asiatiques sous ces traits caricaturaux, mais la magie opère vite.
Oh Yeong Jin travaille dans le bâtiment en Corée du Sud. Pour améliorer sa situation, il accepte une mission de plusieurs mois en Corée du Nord et c'est le récit de son aventure qu'il nous offre. Comme lui nous découvrons un pays dont nous savons seulement qu'il vit totalement refermé sur lui-même, hostile au monde extérieur, sous régime dictatorial.
Rien que son voyage aller n'est pas des plus simples, l'obtention du visa est un véritablement marathon administratif, et ensuite pour se rendre en Corée du Nord, la frontière entre les 2 pays étant infranchissable, il faut obligatoirement passer par la Chine.
Le récit est découpé en séquences dévoilant des tranches de vie du quotidien ouvrier, et rythmé par des pages explicatives sur l'histoire du pays, comme un manuel scolaire sans le côté austère. L'oeil de l'auteur est plein de curiosité et d'interrogation, ses réflexions très fines et sensibles. C'est même parfois drôle. Cette manière naïve et touchante de découvrir et faire découvrir un monde terrible fait toute la force de ces 2 albums. A découvrir absolument.

samedi 20 février 2010

"The outsider" de G. Tanabe (Glénat)

Jolie surprise ce petit album. Déjà sa couverture, monochrome, glacée et délicieusement sinistre. Puis à l'intérieur 4 histoires dont 3 adaptations d'illustres écrivains, H-P Lovecratf, A. Tchekhov et M. Gorki, choix étonnant, nous sommes loin du manga classique.
G. Tanabe se démarque également par son dessin, détaillé et précis, son trait etant très européen. Nous passons de l'atmosphère fantastique à la tranche de vie du quotidien, et pour finir une histoire issue de son imaginaire et inspirée de la culture japonaise. A suivre ce monsieur.

lundi 15 février 2010

"Une vie chinoise 1 Le temps du père" de P. Otié et L. Kunwu (Kana)


Xiao Li naît en 1955 dans la province du Yunnan en Chine. Autant dire qu'il est destiné à être happé par l'histoire, Mao écrase tout le peuple de sa gloire, son petit livre rouge régit le quotidien. Le papa de Xiao Li est cadre du parti, sa maman ouvrière, ils ont la nostalgie des valeurs d'antan, mais "la grande révolution culturelle prolétarienne" balaye tout sur son passage. Ils assistent impuissants à l'endoctrinement de leur enfant, l'école change le petit bonhomme et cela fait froid dans le dos.
Ce premier tome suit toute l'enfance de Xiao Li, jusqu'à son entrée dans l'armée et s'achève sur la mort de Mao. C'est extrèmement précis, dévoilant tout un pan de l'histoire chinoise. L. Kunwu se fait aider par son ami scénariste P. Otié dans ce magnifique album auto-biographique, on sent la souffrance dans ces souvenirs, la sincérité mais aussi la critique. C'est que durant une trentaine d'années, il a été dessinateur de propagande. Vite la suite, que nous puissions découvrir son évolution!

jeudi 11 février 2010

"La confrérie des mutilés" de B. Evenson (Le Cherche Midi)


Détective privé, Kline se remet de sa dernière affaire qui lui a coûté l'auto amputation et auto cautérisation de sa main droite. Et vi, c'est un dur, que n'aurait-il pas sacrifié pour arrêter et tuer "le gentleman au hachoir"? Sans souci d'argent, il tente de se recréer un quotidien, d'apprivoiser sa main gauche en sortant le moins possible de chez lui, de son lit. Hélas il existe un fléau au monde moderne, ce téléphone qui ne cesse de retentir, avec au bout une étrange voix l'engageant d'office sur une nouvelle enquête. Malgré ses refus, c'est chez lui qu'on viendra le débusquer et l'amener de force au sein d'une curieuse communauté. C'est la plongée dans un univers d'illuminés, avec pour cadre une demeure austère, pour compagnons des personnages à la politesse glaciale, au physique mutilé. Kline découvre une secte avec sa hiérarchie, ses codes, ses cérémonies. Un détective, c'est curieux de nature mais ici le savoir se paie cher, un membre contre un indice.
"La confrérie des mutilés" est un récit d'une rare intensité, truffé d'humour noir, de scènes horrifiantes et frissonnantes à souhait, très imagées, avec des dialogues absurdes. Il est dingue ce B. Evenson, très différent de ses autres romans, mais ces 220 pages défilent bien trop vite.

vendredi 5 février 2010

"Daybreakers" des frères Spierig

Un vampire nommé Edward, non, rien à voir avec le chéri des jeunes filles en fleur, celui du trop lisse "Twilight", ici l'insignifiant lycéen est remplacé par un brillant hématologue, interprété par Ethan Hawke.
Nous sommes en 2019, exit la version gothique du vampire, bienvenue à une vision futuriste. Il ne reste plus sur Terre que 5% d'humains, pourchassés pour leur sang bien sûr. C'est que la pénurie se ferait sentir. Edward Dalton lui ne se nourrit que de sang animal et cherche à créer un sang synthétique pour sauver les derniers hommes. Son chemin croise celui de survivants qui détiendraient un remède permettant aux vampires de redevenir des mortels. Or Edward aimerait bien sentir à nouveau son coeur battre...
"Daybreakers" revisite le genre de manière intéressante, les rôles sont inversés, c'est le vampire qui luttent pour les mortels, sans oublier quelques scènes bien gore avec du sang et des membres partout partout et une distribution surprenante (Sam Neil à contre-emploi et Willem Dafoe en illuminé).

jeudi 28 janvier 2010

"Sherlock Holmes" de G. Ritchie

Jouissif le nouveau film de G. Ritchie! Ah Sherlock Homes et John Watson, ils prennent un sérieux coup de jeune dans cette nouvelle version : beaux, drôles, casse-cou, complices, un duo de choc pour une enquête un brin ésotérique où tout Londres pourrait sombrer dans le chaos. Ce qui prime dans le film, c'est leur relation, ils se connaissent par coeur, ils se chambrent, l'un va se marier, l'autre a du mal à s'y faire, mais au coeur de l'action ils ne font qu'un, chacun a son lot de coups et de cascades, le tout avec nonchalance. Bonne nouvelle, une suite suivra certainement, leur ennemi juré Moriarty n'est qu'évoqué.
La reconstitution du Londres victorien en pleine révolution industrielle est magnifique, la ville se présente comme un gigantesque chantier, le Tower Bridge est en cour de construction, quant aux intérieurs, ils sont somptueux et le détail minutieux.
"Sherlock Holmes" est la bonne surprise de ce début d'année, un pur divertissement, enlevé, enthousiasmant et ce jusqu'à la dernière image du générique de fin.

dimanche 17 janvier 2010

"The road" de J. Hillcoat


Une catastrophe a décimé la Terre. Nous n'en verrons rien, si ce n'est le sinistre résultat : tout est devenu gris, le soleil ne semble plus jamais briller, il fait froid et il pleut souvent. Aucune bestiole n'a survécu, quant aux humains, ils ne sont qu'une poignée à se battre sauvagement pour une once de nourriture, et le cannibalisme est devenu chose courante. Super! Dans ce cadre dévasté avancent péniblement 2 silhouettes, un père et son fils, direction le sud, la mer. Cela ne rappellerait-il pas la magnifique et sombre histoire de C. McCarthy "The road" (que j'ai chroniqué il y a quelques mois)? Ben si, en voici l'adaptation cinématographique que j'attendais avec impatience, et le résultat est aussi fort que le roman. Autant l'écriture était minimaliste, autant le film est dépouillé, sans image de synthèse spectaculaire, toute émotion passant par un regard, un geste, une attitude. Mention spéciale à l'interprétation pour Viggo Mortensen et Kodi Smit-McPhee.

jeudi 14 janvier 2010

"Les rues de sables" de P. Roca (Delcourt)


D'une situation bien ancrée dans le quotidien, P. Roca a le don de nous entraîner dans un tout autre univers en suivant l'étrange aventure d'un jeune homme, doux rêveur, qui en voulant gagner du temps prend un raccourci. Et les raccourcis portent parfois bien mal leur nom. Le vieux quartier de sa ville se révèle être un labyrinthe de ruelles et d'escaliers à l'architecture complexe. Le jeune homme trouve refuge dans un hôtel où ampoules et chaudières sont des plus capricieuses et les résidents sympathiques mais excentriques. Comment sortir de cet univers absurde? En travaillant pour pouvoir se payer une carte, et le voilà enrôler à l'entretien du chauffage, et chaque jour sera prétexte à une nouvelle rencontre ou découverte plus étrange que la précédente.
"Les rues de sable" est une petite merveille, des dessins au graphisme épuré, des couleurs douces, un héros attachant, des personnages secondaires qui le sont tout autant, rien d'angoissant ni d'oppressant dans ce qui aurait pu tourner au cauchemar. C'est surréaliste, onirique, farfelu... un excellent one shot.

jeudi 7 janvier 2010

"Collision" épisodes 1 & 2

Découverte de "Collision", une mini série anglaise (5 épisodes) franchement remarquable. Un gros accident a lieu sur une autoroute, pas moins de 8 véhicules sont impliqués, 2 morts. Ce qui ne devrait être qu'une bataille de paperasses entre assurances se complique quelque peu lorsque le père d'une des victimes porte plainte car des policiers se trouvaient sur les lieux. L'inspecteur John Trulin reprend justement du service à ce moment-là et se porte volontaire. Il fait ainsi équipe avec Ann Stallwood, on devine vite qu'entre eux les rapports dépassaient le professionnel. A eux de reconstituer ces quelques terribles minutes où la destinée de gens très différents se croise très violemment pour être à jamais changée.
Le début est un peu confus car non linéaire, avec allers-retours dans le temps et beaucoup de personnages présentés, l'accident est le fil conducteur mais non montré avant la fin du premier épisode. Néanmoins la série devient vite prenante, les personnages prennent de la profondeur et la fin de chaque intrigue est attendue avec impatience.

lundi 4 janvier 2010

"Pandorum" de C. Alvart


Le "pandorum" n'est pas un mal très courant de nos jours, ouf et tant mieux : cela peut atteindre l'homme lorsqu'il est confiné très longtemps dans un vaisseau spatial, et le rendre dingue de chez dingue. Il est le sujet du nouveau film de C. Alvart.
L'Elysium est un gigantesque vaisseau sensé transporter des colons humains vers Tanis, une planète semblable à la Terre mais aux richesses naturelles intactes. Seulement lorsque le Lieutenant Payton et le Caporal Bower émergent de leur sommeil, pas de comité d'accueil et le vaisseau semble dans un état lamentable. Sont-ils les seuls à bord? Et d'où proviennent ces bruits glaçants? La solution, parvenir au réacteur pour le remettre en branle, pour cela une longue marche claustrophobe et parsemée de surprises plutôt mauvaises.
Il est clair que "Pandorum" est un film de série B, budget raisonnable, pas trop d'images de synthèse, truffé de références cinématographique, néanmoins il réserve de bonnes surprises, suspense tenu jusqu'au bout, bonne interprétation (à noter Antje Traue, belle inconnue charismatique), et une fin comme un bouffée d'air frais.