vendredi 11 novembre 2011

"Bad as me" de T. Waits & "Crazy clown time" de D. Lynch


Oh oh, c'est Noël avant l'heure, mon idole absolue (Tom Waits) et un de mes réalisateurs chéris (David Lynch), sortent chacun un album. 7 ans d'attente pour l'un (aussi interminable que 7 ans de malheurs), une surprise totale pour l'autre, et que du bonheur.

Tom Waits, égal à lui-même, sa voix inimitable travaillée par le temps, l'alcool et le tabac, nous offre des morceaux de blues cabossé, de rock déglingué, de balade douce amère, revisitant tous les styles musicaux chers à son coeur à sa manière.

01. Chicago (on s'imagine dans les bas-fonds enfumé d'un club de la Nouvelle Orléans)
02. Raised Right Men (ça part dans tous les sens, j'adore)
03. Talking At The Same Time (étonnante sa voix, comme une berceuse éraillée)
04. Get Lost (excité et très rock'n'roll)
05. Face To The Highway (genre de balade à écouter en regardant la pluie tomber)
06. Pay Me (lendemain de nuit arrosée)
07. Back In The Crowd (idéal pour se cacher sous la couette)
08. Bad As Me (déjanté comme j'aime, peut-être mon morceau préféré)
09. Kiss Me (avec le dernier verre de la soiréeà
10. Satisfied (ben non, finalement c'est ce morceau que je préfère)
11. Last Leaf (kleenex oblige)
12. Hell Broke Luce (plutôt militaire comme rythme, de mieux en mieux au fil des écoutes)
13. New Year’s Eve (ce n'est qu'un au revoir j'espère)

Le cas David Lynch. On n'est pas en terre inconnue, tout l'album est comme une réminiscence de ses films, les mêmes rythmes lancinants, des ambiances oniriques, étranges, des voix venues d'une autre dimension, "Crazy clown time" est un voyage fantasmagorique.

1. Pinky’s Dream feat. Karen O (le rêve commence avec la douce voix de Karen O)
2. Good Day Today (cold wave hypnotisante)
3. So Glad (balade lancinante au coeur d'un labyrinthe)
4. Noah’s Ark (en plein coeur du rêve)
5. Football Game (on est de l'autre côté du miroir)
6. I Know (distorsion, hallucination, on veut y rester)
7. Strange and Unproductive Thinking (trop étrange, inquiétant et tranquille en même temps)
8. The Night Bell With Lightning (mon morceau préféré)
9. Stone’s Gone Up (moment de tranquillité entre 2 rêves)
10. Crazy Clown Time (voix complètement dingue, rythme entêtant, j'adore)
11. These Are My Friends (doux et nostalgique)
12. Speed Roadster (regrets amers, le désespoir n'est pas loin et les larmes aussi)
13. Movin’ On (la fin du rêve arrive)
14. She Rise Up (non le rêve est sans fin, on est bien, on peut léviter)

Voilà, "Bad as me" et "Crazy clown time", 2 albums terribles. Tom Waits et David Lynch auraient pu inter-changer leur titre, ils sont chacun à leur manière déjantés, uniques, et nous amènent ailleurs.

dimanche 30 octobre 2011

"Le rêve du Celte" de M. Vargas Llosa (Gallimard)

Regardez cet homme à l'élégance désuète, au visage émacié, inquiet. Très belle photo sépia. C'est Roger Casement (1864-1916), tombé dans les oubliettes de l'Histoire. Plus désormais, et ce grâce à la plume déliée de  M. Vargas Llosa dont il fait le sujet principal de son nouveau roman "Le rêve du Celte".
Roger Casement a aimé plus que tout la liberté. Né près de Dublin, devenu diplomate, son existence entière ne sera que souffrances, morale et physique. Homosexuel en un temps où vous pouviez finir en prison pour ce genre de préférence, ses amours seront toujours cachées, brèves et honteuses. Ses fonctions de consul vont le mener dans des pays où il va user sa santé, plus d'un serait depuis bien longtemps rentré sous des latitudes plus clémentes, pas Roger Casement, son combat pour la liberté des hommes passait avant tout.
Tout d'abord nommé au Congo, il est de suite horrifié par les pratiques de la colonisation belge, la cruauté des contremaîtres, l'asservissement des autochtones, tout ça pour récolter le caoutchouc, matière première alors considérée précieuse. Il va passer des mois et des mois à parcourir chaque exploitation, à tenter de faire témoigner les esclaves, à noircir des pages et des pages qu'il garde et cache soigneusement, mais aussi à lutter contre les fièvres, la malaria et autres maladies tropicales. Son rapport est publié en 1904.
On l'envoie ensuite au Pérou dans la région du Pitimayo, enquêter sur les sombres agissement de la Peruvian Amazon Company, entreprise cotée à Londres. Roger Casement est témoin des mêmes atrocités qu'au Congo, et c'est avec un acharnement toujours aussi intact qu'il va les dénoncer, malgré une santé déclinante, et le climat de la forêt amazonienne ne va rien arranger.
Revenu dans sa patrie d'origine, c'est un autre combat qu'il va mener. L'Irlande est en pleine lutte pour son indépendance, d'anticolonialiste il va devenir nationaliste et rechercher l'alliance des Allemands. On est en pleine Grande Guerre, cela ne va pas plaire à tout le monde. Roger Casement est emprisonné, accusé de haute trahison et pendu le 3 août 1916.
C'est en lisant Conrad que M. Vargas Llosa a eu connaissance de ce personnage historique. Roger Casement et Conrad se sont rencontrés au Congo, leur rencontre impressionna autant l'un que l'autre. Il est écrit en couverture que c'est un roman, mais "Le rêve du Celte" est la très émouvante biographie d'un grand homme, avec ses passions, ses tourments et ses démons. Ah si l'Histoire pouvait toujours être ainsi contée...

dimanche 23 octobre 2011

"Drood" de D. Simmons (R. Laffont)

Cela faisait fort longtemps qu'un D. Simmons n'avait point hanté mes nuits. Il a toujours l'art et la manière de subjuguer, quel que soit le genre qu'il décide de célébrer, space opéra, fantastique, thriller...
Avec "Drood", il offre un puissant hommage à la littérature. Décor : Londres. Temps : les années 1865-1870. Personnages : rien de moins que Charles Dickens et Wilkie Collins. Je n'ai malheureusement encore rien lu du légendaire premier, en revanche les romans du second, plusieurs oui. La vie de C. Dickens a inspiré de nombreux biographes, néanmoins ses dernières années peu ; c'est sur cette période plutôt laissée dans l'ombre que D. Simmons s'est plu à laisser courir son imagination débordante, en prenant pour point de départ le spectaculaire accident de train dont a été victime l'illustre écrivain en 1865.
Tout est vécu au travers des yeux de W. Collins, tout aussi prolixe mais moins reconnu que C. Dickens. Ils sont proches collaborateurs; autant amis intimes (le frère de l'un a épousé la fille de l'autre) au quotidien que concurrents admiratifs dans la vie littéraire. A noter au passage que D. Simmons retrace à merveille l'univers des écrivains à succès, les coulisses d'une revue, d'une tournée, et l'on croise furtivement quelques figures de ce temps-là.
C. Dickens a laissé un roman inachevé, "The mystery of Edwin Drood", ah Drood, c'est lui qu'a choisi D. Simmons pour bouleverser la vie de nos 2 compères. Il apparaît lors de ce fameux déraillement de train, C. Dickens le voit se pencher sur les victimes, les accompagnant au-delà de la mort, il n'a alors de cesse de le retrouver et transmet son obsession à W. Collins. C'est le début d'une poursuite dans les bas-fonds de Londres, jusqu'aux catacombes, on plonge alors dans le fantastique et les hallucinations. Faut avouer que ce cher narrateur est loin d'être du genre sobre, il a une addiction certaine au laudanum (qu'il absorbe par tasses entières) qui brouille ses pensées, ses actes et donc ses écrits. Que reste-t-il de véridique dans ce journal posthume?
"Drood" est un magistral pavé, une belle peinture du milieu littéraire à l'époque victorienne et une réflexion sur l'écrivain, son travail, ses démons intérieurs.

lundi 10 octobre 2011

"Drive" de N. Winding Refn

Beaucoup de noms illustres dans le générique de "Drive" : James Sallis pour la base historique, Angelo Badalamenti pour la musique, et pour les seconds rôles, des comédiens issus de séries adorées (Bryan Cranston, Christina Hendricks, Ron Perlman). Plutôt bien parti pour que j'aime d'emblée.
La séquence pré-générique (de presque 10 minutes), rien qu'à elle vaut le détour, et est en bonne voie pour devenir un moment d'anthologie. On peut y voir un hommage à W. Friedkin et son "Police Fédérale Los Angeles" avec une course poursuite en voiture des plus efficaces, presque muette, tout dans le bruitage et le montage.
En une séquence, le portrait du héros est posé : jeune, charismatique, la blondeur d'un ange, un sang-froid impressionnant, pas de roulage de mécanique, pas beau parleur, lui et sa voiture ne font qu'un. Son nom, jamais dévoilé. Il est cascadeur à Hollywood et garagiste, et à ses heures perdues chauffeur, mais pas pour les célébrités, pour les truands.
Un jour, il fait la connaissance de sa nouvelle voisine, on dirait une petite fleur des champs, simple et adorable. Elle est la maman d'un bambin aussi chou qu'elle. Un regard, un sourire et une belle histoire pourrait commencer. Le hic : le papa est en détention, et justement il sort. Oh ce n'est pas le pire des méchants, il adore sa famille et veut tout faire pour retrouver le bonheur d'antan, mais parfois on ne sort pas seul de prison, les dettes suivent. Et notre héros, en chevalier servant va voler à leur secours en proposant ses services de conducteur hors pair.
"Drive" mérite amplement son Prix de la Mise en Scène décerné au dernier Festival de Cannes. N. Winding Refn alterne avec maestria les scènes d'action, de violence (qui arrivent sans crier gare) et d'amour (tout en délicatesse, pas de sexe tapageur, pas de sexe tout court d'ailleurs, c'est la douceur des premiers émois). Le genre de film qui marquera l'année, voire la décennie.

jeudi 8 septembre 2011

"1Q84 livre 1"d'H. Murakami (Belfond)

La trilogie tant attendue d'H. Murakami enfin éditée, du moins en partie. Un tel début de rentrée, l'année s'annonce bien.
"1Q84" retrace le parcours de 2 êtres hors du commun. Ils se sont croisés une fois dans leur enfance, à l'école, l'année de leurs 10 ans. Lui c'est Tengo, elle Aomame ; bien trop timides pour parler, une poignée de main semble avoir sceller leurs destins à jamais. Des années durant, ils vont songer l'un à l'autre, sans toutefois effectuer aucune recherche pour se retrouver, le hasard c'est bien plus romanesque. Tengo va devenir professeur de maths et écrivain à ses nombreuses heures perdues, avec la reconnaissance de ses élèves mais sans la gloire d'être encore publié. Aomame encadre des cours de gym et de stretching dans une salle de sport et devient à l'occasion une redoutable tueuse à gages durant ses moments de liberté. Ils viennent tous 2 d'atteindre la trentaine au début du roman.
On propose à Tengo de réécrire le premier roman d'une lycéenne de 17 ans, Fukuari ,aussi mystérieuse et mature que son minois est joli et sa poitrine adorablement dessinée. Elle a une imagination débordante et poétique mais souffre de dyslexie. Quant à Aomame, elle semble depuis peu (depuis son dernier contrat) dériver dans un monde parallèle, mais poursuit mine de rien son quotidien, ses cours particuliers, ses visites à sa plus fidèle cliente et aussi commanditaire. Elle se lie pour la première fois avec une jeune femme, mais prudemment car elle est policière. Un autre contrat se présente, très délicat celui-là mais incontournable à ses yeux : éliminer le gourou d'une secte.
H. Murakami alterne les chapitres sur Tengo et Aomame, distillant tout du long des éléments de leur passé et dévoilant les dessous sombres de la société japonaise (la maltraitance conjugale, les communautés sectaires...) et s'interrogeant sur l'âme humaine (la recherche de soi, le chemin de la plénitude...).
Premier volet dévoré en quelques heures, quand sera-t-il du second?

vendredi 26 août 2011

"Le dernier testament de Ben Zion Avrohom" de J. Frey

Ben Jones vit simplement : il est gardien sur un chantier et habite un immeuble où il est le seul blanc. Il aime boire jusqu'à l'ivresse, fréquenter les call-girls et les prostituées, et jouer aux jeux vidéo. Il a la trentaine et semble bien solitaire. Un jour sa vie bascule : un terrible et inexplicable accident de chantier qui normalement aurait du l'envoyer 6 pieds sous terre bouleverse à tout jamais son existence et celle de tous ceux qui vont le croiser ou le côtoyer.
Jones n'est pas son vrai nom, il est en réalité Ben Zion Avrohom, brebis galeuse d'une famille juive, martyrisé par son père, jeté dehors par son frère, seulement adoré par sa mère et sa petite soeur. De cet accident naîtra un autre homme, souffrant de crises d'épilepsie effroyables, touché par la main de Dieu aux dires de tous, aux propos mystiques, toujours en mouvement, en quête... et si c'était le Messie? Sauf que ses actes sont plutôt inattendus et offenseraient les plus pieux, il honore (au sens biblique) indifféremment hommes et femmes, n'est pas contre l'avortement et crée des communautés genre armée de l'ombre ou l'amour tous ensemble en pleine nature.
James Frey s'est imaginé ce que ferait le Messie débarquant à New-York de nos jours. C'est très irrévérencieux, drôle, caustique, et surtout merveilleusement bien raconté : à plusieurs voix, celles de ceux qui ont croisé le chemin de ce phénomène, chacune avec ses spécificités linguistiques, donnant ainsi au récit des intonations différentes et de la vivacité. Ce roman me rappelle celui de Christopher Moore "L'agneau" (sorti en 2004 chez Gallimard) qui imaginait la vie du Christ entre ses 12 et 30 ans dans un genre déjanté et ébouriffant.

vendredi 5 août 2011

"Hanna" de J. Wright

Hanna est une ado. Elle vit dans la forêt quelque part dans un coin glacial de la Finlande. Elle ne connait la vie qu'à travers les livres et le savoir que son père Erik lui lit et transmet chaque soir. C'est une véritable encyclopédie vivante, elle parle couramment plusieurs langues. Mais sa beauté diaphane est trompeuse, elle chasse pour manger, vise comme un tireur d'élite, se bat avec la force d'un homme et se déplace avec l'agilité et l'endurance d'un ninja.
A 16 ans, elle se sent prête à découvrir le monde, sauf qu'il ne sera pas question de bal de débutante pour elle mais plutôt d'une mission doublée d'une chasse à l'homme. Hanna et son père ne se sont pas isolés du monde par plaisir des grands espaces et envie de retour à la nature, mais parce qu'ils font partie d'un programme de la CIA des plus obscurs et contraire à l'éthique.
"Hanna" est un mélange de genres : thriller efficace avec des séquences de poursuites remarquables et des combats musclés, et quête initiatique avec la découverte du monde réel et les premiers émois de l'adolescence. Le tout rythmé par la musique des Chemical Brothers et illuminé par la beauté de la jeune actrice irlandaise Saoirse Ronan.
"Hanna" est définitivement mon coup de coeur cinématographique de cet été.

vendredi 17 juin 2011

"Mississippi" d'H. Jordan ((10/18)

1939 en Amérique. Laura a 31 ans. Tandis que toutes ses jolies soeurs sont mariées, elle enseigne l'anglais dans une école privée pour garçons, le corps aussi vierge qu'à son adolescence. Un dimanche, son frère Teddy invite à déjeuner son nouveau patron. Ainsi Henry, 41 ans, entre dans la vie de Laura. Ils se marient, 2 filles naissent  et vivent un bonheur tranquille durant 6 ans.
Puis au lendemain de la guerre, Henry annonce qu'il a acheté des terres dans le Mississippi, tout le monde doit suivre, y compris l'acariâtre beau-papa. Le quotidien douillet de Laura s'effondre, désormais ses filles et elle pataugeront dans la boue, et vivront dans un taudis sans eau courante ni électricité. La vie est dure et nauséabonde avec pour seule aide Florence dont Henry embauche le mari Hap pour le travail aux champs. On se croirait revenu un siècle en arrière, l'Amérique s'est glorifiée avec le débarquement outre-Atlantique mais au fin fond de ses terres, ce n'est que racisme et ségrégation envers les noirs qu'elle n'a pourtant pas hésité à envoyer au front. Toute cette ambiance malsaine pèse sur Laura qui apprécie Florence.
Un jour rentrent au pays Jamie, le frère cadet d'Henry et Ronsel, le fils de Florence et de Hap. Jamie malgré ses blessures profondes est comme un rayon de soleil dans la vie de la ferme. Il boit beaucoup mais il est tellement charmeur, toutes les filles l'adorent. Pour Ronsel, le retour est terrible, il n'est plus le soldat libérateur, il est redevenu un noir dans un pays où certains enfilent une cagoule blanche quand ils n'ont pas le courage de lyncher à visage découvert. Jamie et Ronsel vont se fréquenter et personne ne verra cela d'un bon oeil.
"Mississippi" est le premier roman d'Hillary Jordan. Il est d'une force étonnante. Par son histoire bien sûr mais aussi par sa narration. Elle a choisi de donner la parole à tous ses personnages principaux, Laura, Henry, Jamie, Florence, Hap et Ronsel. Le lecteur ne peut être plus proche d'eux et s'y attacher. Néanmoins, il aurait aussi été intéressant de voir à travers les yeux haineux de Pappy, le redoutable beau-père tyrannique.
"Mississippi" est une chronique des jours ordinaires, une émouvante balade dans l'Amérique profonde des années 40.

vendredi 10 juin 2011

"Le Cimetière du Diable" (Sonatine)

Le troisième opus des aventures du Bourbon Kid est enfin arrivé. En voilà un qui ne s'assagit pas avec l'âge, toujours aussi alcoolo, teigne et impitoyable.
Planté dans le désert, dans une bourgade répondant au chouette nom de Cimetière du Diable, se dresse l'hôtel Pasadena, un gigantesque établissement (40 étages quand même!) tenu par Nigel Powell. C'est Halloween, une époque des plus fastes pour lui : il organise à cette époque un grand concours de chant "Back from the dead" qui comme son nom l'indique est sensé rendre hommage aux plus belles voix de l'Amérique (voix qui doivent se retourner dans leurs tombes devant les prestations pour la plupart calamiteuses des sosies). Officiellement le prix pour le finaliste est une grosse pluie de dollars, mais pour assurer sa prospérité, Nigel Powell s'est acoquiné avec les forces du mal, et une fois l'an il doit sacrifier une vie s'il ne veut pas voir sombrer son empire.
Cette année, les choses semblent plus compliquées. Oh les participants ne manquent pas et sont tous plus pathétiques les uns que les autres : se retrouvent des imitateurs de Kurt Cobain, James Brown, Janis Joplin, Freddie Mercury, Judy Garland... Certains ont cependant du talent. Seulement le concours est truqué, 5 finalistes sont désignés par avance et mis dans une loge à part. Mais même à 5 la concurrence est rude et rien de tel qu'un tueur à gages pour assurer sa victoire. Sauf que un se multiplie et l'hôtel Pasadena se transforme en véritable champ de massacre surtout quand le Bourbon Kid s'invite. Halloween n'aura jamais aussi bien porté son nom.
Le style de ce troisième volet est égal aux 2 autres : enlevé, frénétique et jubilatoire, avec autant de références à la pop culture américaine et c'est franchement un régal.

lundi 16 mai 2011

"Les neuf dragons" de M. Connelly (Seuil)

Retour d'un de mes inspecteurs préférés, Harry Bosch. Heureusement qu'ils ne rangent pas tous définitivement leur badge, après le si triste départ de Kurt Wallander, la scène littéraire du thriller était bien vide.
Dans son dernier roman, "Les neufs dragons", M. Connelly se penche à nouveau sur la carrière de son personnage fétiche.
Au lendemain du week-end du Labor Day, c'est un peu le calme plat à Los Angeles, Harry Bosch s'ennuirait presque. Son coéquipier se passionne plus pour la paperasse qu'au terrain. Sa fille Maddie , 13 ans, vit avec sa mère à Hong-Kong, soit à l'autre bout du monde. Cela manque un peu d'action, mais à Los Angeles le crime ne dort jamais trop longtemps. Nouvelle affaire dans le quartier chinois : la mort d'un petit épicier et une bande vidéo laissant soupçonner un racket des triades locales. Harry Bosch est sommé par téléphone de laisser tomber sinon... peut-être aurait-il du écouter pour une fois, surtout qu'au même moment, il reçoit une vidéo inquiétante de sa fille. Débute une course poursuite effrénée durant laquelle l'inspecteur est prêt à franchir toutes les limites de la légalité.
Le roman se déroule en 3 opus, sur une très courte durée, quelques jours à peine : mise en place à Los Angeles, gros de l'action à Honk-Kong et pour le final, retour à Los Angeles. On y découvre un Harry Bosch très émouvant, animé par l'amour paternel et rongé par la culpabilité, découvrant les angoisses d'être  père à part entière et non plus quelques mois par an. Sûr que cet épisode remettra en question son avenir professionnel et personnel. A noter les brèves apparitions de 2 autres personnages récurrents de M. Connelly, Mickey Haller, avocat et demi-frère d'Harry, et Jack McEvoy, journaliste.
Cela faisait bien longtemps que M. Connelly n'avait pas offert un excellent thriller, "Les neufs dragons" marque un tournant dans la vie de son héros, comment négociera-t-il la suite?

mardi 10 mai 2011

"Macabre" de P. Rodriguez (Emmanuel Proust)

Un de mes éditeurs bd préférés, Emmanuel Proust, aime bien faire découvrir des talents étrangers. Direction l'Espagne avec Pedro Rodriguez qui dans "Macabre" a l'excellente idée de faire (re)découvrir quelques bijoux de la littérature fantastique. Au programme : Guy de Maupassant, Sheridan Le Fanu, Robert Louis Stevenson, Edgar Allan Poe et John William Polidori entre autres. Et c'est parti pour les ambiances oppressantes, les évènements étranges, main baladeuse, pacte maléfique, fantômes, maison hantée... chaque nouvelle, introduite par un narrateur  est délicieusement glaciale. Et surtout l'écrivain est également brièvement présenté.
Quant au dessin, il est magistral. Très stylisé, le côté cartoon peut surprendre au premier abord. Le découpage est efficace, avec de magnifiques pleines planches. Et la colorisation, une splendeur, restituant les ambiances sombres avec ces tons monochromes et ces jeux d'ombres et de lumière.
A noter que P. Rodriguez fait de très belles dédicaces et s'efforce de manière adorable de parler et écrire en français.

jeudi 21 avril 2011

"Avant d'aller dormir" de S. J. Watson (Sonatine)

Le coucher, c'est le moment le plus redouté de Christine Lucas. C'est la fin de journée mais aussi la fin de tout ce qu'elle a assimilé de sa nouvelle vie. Christine, aux yeux de la médecine est un cas d'école. Suite à un traumatisme, elle s'éveille désormais chaque matin sans aucun souvenir de son passé, elle pense juste être une étudiante se retrouvant dans le lit d'un inconnu après une nuit arrosée, or elle a bientôt la cinquantaine et est bel et bien mariée. Tout une vie s'est écoulée comme un trou noir pour elle.
Depuis peu, un médecin l'aide à l'insu de son mari. Elle ferait des progrès. Leurs rendez-vous sont secrets. Il lui demande désormais de tenir un journal dont il lui rappelle l'existence et l'emplacement par téléphone chaque matin. Ainsi, avant d'aller dormir, elle consigne les évènements de la journée, avec appréhension car elle sait que le lendemain, tout ce qu'elle aura écrit, c'est avec stupéfaction et inquiétude qu'elle le lira.
Au fil des jours, les mêmes égarements, les mêmes interrogations, mais surprise, si elle en croit son journal et ses souvenirs fugaces, les réponses diffèrent. Son mari lui cacherait-il des faits? Lui mentirait-il? Que lui est-il vraiment arrivé? Un accident de voiture? Pire?
Ne pas lire "Avant d'aller dormir" justement le soir sinon la nuit peut s'avérer blanche. L'empathie pour Christine Lucas est immédiate, son journal des plus émouvants et les évènements l'entourant de plus en plus incompréhensibles et inquiétants.

vendredi 1 avril 2011

"Sorry" de Z. Drvenkar (Sonatine)

Berlin, de nos jours. Ils sont 4, Frauke, Tamara, Kris et Wolf. Ils ont la trentaine, se connaissent depuis le lycée et se cherchent encore. Arrive l'idée lumineuse, créer une agence, sans prétention au début mais au concept inédit : s'excuser à la place de ceux qui sont trop fiers ou honteux pour le faire. Ainsi naît Sorry, vous la contactez, lui exposez votre problème, envers qui, et repartez la conscience tranquille, vos affaires peuvent reprendre, ah oui, les particuliers sont refusés. Confidentielle au début, Sorry connaît rapidement un joli succès grâce au bouche à oreille. La bande de copains loue une belle maison dans la banlieue et aménage ensemble, les années de galère semblent loin.
Un jour un nouveau client va tout bouleverser. Tout paraît normal jusqu'au moment des excuses : la fameuse personne ne semble pas en mesure de les recevoir, elle est crucifiée au mur. Panique générale d'autant que le commanditaire exige que son contrat soit respecté (sinon la famille de chacun recevra sa visite que l'on devine tout sauf courtoise) et qu'en prime il leur laisse le soin de s'occuper du cadavre. Ainsi débute un cauchemar sans fin, un contrat en appelant un autre... Seul moyen de s'en sortir? Mener l'enquête pour débusquer cet assassin.
Z. Drvenkar, allemand d'origine croate offre un thriller saisissant autant par l'action que par la narration.
De l'assassin ou des victimes, quel est le plus ignoble? "Sorry" pourrait être un mélange de "Petits meurtres entre amis" (l'humour noir) et "Mystic river" (l'enfance déchue). L'intrique est livrée par petits bouts, pas forcément dans l'ordre, avec des incursions dans le passé, sous des points de vue différents, le narrateur est lui-même observé, tout semble se mettre en place, mais voilà qu'intervient un nouvel évènement et tout est à reconsidérer. A quand un deuxième roman traduit de ce talentueux monsieur?

jeudi 3 mars 2011

"Un long silence" de M. Gilmore (Sonatine)

Publié en 1994 outre Atlantique voici enfin traduit chez ma bien aimée maison d'édition Sonatine "Un long silence" de M. Gilmore. La famille Gilmore a une bien tragique histoire, N. Mailer l'a longuement retracée dans son magnifique "Chant du bourreau" en 1979. Et une quinzaine d'années après, c'est au tour de Mikal, le petit dernier, celui qu'on ne voit pas sur la photo de couverture, d'apporter son témoignage sur les sombres heures du passé de sa famille. Il s'en est finalement sorti : il était le plus jeune, il n'a pas connu la même enfance que ses frères et il a été le dernier à recevoir durablement l'amour de son père.
La photo sépia a été prise au début des années 50 : elle montre une famille qui semble avoir traversé de difficiles moments, à part le môme sur la droite, aucun ne sourit avec naturel. On remarque la différence d'âge entre les parents. Elle c'est Bessie, issue d'une famille mormone dont elle a voulu  fuir les valeurs, elle suit le premier beau parleur passant par là. Ce sera Frank Gilmore, un enfant de la balle qui se plait à croire être l'enfant illégitime d'Harry Houdini, mais une blessure l'empêchant de poursuivre sa carrière au cirque, il devient arnaqueur. Et un arnaqueur est toujours en fuite, ainsi c'est sur les routes que grandiront les 3 enfants de la photo : Frank Jr, Gary au milieu et Gaylen. Une enfance difficile pour chacun, entre les problèmes d'argent, les violentes disputes conjugales et les coups paternels. Un jour, Bessie refuse de poursuivre cette vie chaotique, elle veut se fixer. Frank finit par trouver un travail honnête, éditeur, et cela semble marcher. Mikal naît, fini la vie itinérante, pour un temps. Mais les vieux démons ressurgissent toujours, la famille semble maudite. Les petits sont devenus adolescents et les bêtises de Gary se transforment en délits. La suite fera la une des journaux.
M. Gilmore a peu de souvenirs de la jeunesse de Gary, mais comme tous il désire profondément connaître ce qui a pu déclencher sa violence. Cette quête il va l'entreprendre des années plus tard. Il lui faut d'abord se reconstruire car au fil du temps tous les personnages de la photo hormis son aîné Frank Jr ont disparu : son père, Gaylen, Gary puis sa mère. Gilmore est un nom trop lourd à porter, après l'exécution de Gary il a voulu s'enfuir, couper les ponts, mais les liens du sang... Alors il s'est plongé dans les racines familiales, a recherché des témoignages des proches, des professeurs, des amis de son frère, retrouvé les rapports de police... "Un long silence" paraît mais la page pour lui ne sera jamais tournée, les cauchemar peupleront toujours ses nuits.

vendredi 11 février 2011

"Alibi" saison 1 Hiver

Ce dont tout amoureux du genre policier et thriller rêvait vient de sortir en librairie : "Alibi", une nouvelle revue des mieux ligotées, quiconque ne l'aura pas tenue entre ses mains pour la dévorer aura intérêt d'en avoir un de solide.
"Alibi" aborde tous les sujets, livres, auteurs, bd, films, séries, jeux, actualités, cuisine, géographie, objets... sous les plumes les plus connues du milieu, Claude Mesplède, François Guérif, Eric Halphen...
Dans ce premier numéro, un dossier très complet sur les écrivains des 2 côtés de la barrière, ceux qui étaient en charge de l'ordre, et ceux qui ont dépassé la ligne de la légalité et ont vécu dans les sombres couloirs des maisons d'arrêt. On découvre les coulisses de l'écriture, le voile est levé sur leur passé et parfois la rédemption ne se trouve pas au bout du manuscrit. Tout est dévoilé par des témoignages à la source ou d'éditeur mais toujours avec beaucoup de pudeur et de simplicité.
"Alibi" nous fait aussi voyager, balade dans ce numéro dans Edimbourg en compagnie de Ian Rankin avec mini guide pour bien réussir son escapade. Plongée dans les faits divers avec le portrait du tueur en série Guy Georges et l'histoire de sa traque. Et surtout une très belle interview d'un de mes auteurs préférés, J. R. Ellory. Mais qui ne serait pas comblé? De plus son format se glisse aisément dans le sac et son papier mat et épais est des plus agréables au toucher. Vite le printemps pour le second numéro!

vendredi 28 janvier 2011

"Dernière nuit à Twisted River" de J. Irving (Seuil)

La famille Baciagalupo est d'origine italienne. Nous allons la suivre sur 3 générations, du New Hampshire à Boston en passant par Toronto. C'est qu'elle a plutôt la bougeotte, il faut avouer que les circonstance y sont pour beaucoup.
En 1954, Dominic est cuistot pour les bûcherons et draveurs de la Twisted River dans le New Hampshire. Il a un fils Danny de 12 ans. Pas de mère à l'horizon, c'est que dans cette famille, les femmes ne font que passer. Pour l'heure, Dominic entretient une relation avec Jane qui elle-même est censée vivre avec Carl le "cow-boy", le shérif local autant porté sur les coups dans la gueule que les gueules de bois. A la mort accidentelle de Jane, Dominic et Danny sont contraints de fuir, ce sera le début de longues années d'errances, à refaire leurs vies, à nouer des relations, à repartir dès que la menace Carl reparaît à l'horizon. Dès le début, ils ont une espèce d'ange-gardien, Ketchum, une force de la nature, qui les avertit dès qu'il sent Carl trop proche de ses protégés : les communications se font par appels en pcv, lettres, puis par fax.
Ketchum, c'est un personnage extraordinaire, toujours très proche malgré les distances, veillant sur les amours et carrières de Dominic, Danny et Joe le petit-fils.
Dominic restera cuisinier, ouvrant des restaurants partout où le destin le mènera. Danny veut devenir écrivain, ses romans seront le reflet de toutes leurs mésaventures. Quant à Joe le petit dernier, son existence sera aussi fougueuse que brève, étudiant insouciant croquant la vie par tous les bouts.
Que restera-t-il à la fin de la famille Baciagalupe? Danny et ses romans, fictions des joies et peines des ses 3 membres masculins.
J. Irving reste un conteur enchanteur, "Dernière nuit à Twisted River" retrace un demi siècle de l'histoire américaine à travers une famille des plus attachantes, avec une pléiade de personnages secondaires hauts en couleurs.

jeudi 13 janvier 2011

"Vampires" de T. Jonquet (Seuil)

Thierry Jonquet a définitivement lâché sa plume au cours de l'été 2009, au beau milieu de l'écriture de son nouveau roman, "Vampires", dont Seuil fait une publication posthume. Beau cadeau de début d'année. Pas une fois au cours du récit ne se fait sentir la notion d'inachevé, il faut parvenir à la phrase finale pour l'éprouver brusquement. Et là on maudit la fatalité. Il aurait du y avoir encore quelques 200 pages. Néanmoins, aucun regret d'avoir découvert le début.
Région parisienne, de nos jours. Un SDF roumain tombe sur une mise en scène qui lui rappelle une des tristes figures de l'histoire de son pays : Vlad Tepes. Dans un hangar à l'abandon, il découvre un corps empalé, mis en valeur par des cierges. C'est le substitut Guillaume Valjean (ouf ses parents ont renoncé à le prénommer Jean) qui vient recueillir sa déposition. L'état de la victime force le respect du légiste Pluvinage, pour son autopsie il rameute tous ses collègues dont Irina.
Or Irina est l'un des membres de la famille Radescu, noctambules bien connu du quartier Belleville. Ils sont 5, les parents et 3 enfants. Petre le patriarche cherche depuis fort longtemps un moyen pour que les siens (et surtout sa petite dernière) échappent à leur triste condition de vampire. Car oui, les Radescu sont des vampires, mais rien à voir avec les créatures de Bram Stoker. Certes ils craignent la lumière naturelle et font des allergies à l'ail, mais point de métamorphoses en bestioles ou en brouillard, point de victime vampirisée, point d'immortalité. Les Radescu d'après Petre souffriraient d'une maladie les empêchant de vieillir au rythme habituel des humains et les actuels progrès en médecine pourraient bien les guérir.
Nous suivons donc le quotidien de cette famille, nocturne il va de soi. C'est drôle, horrifique, caustique, du merveilleux Thierry Jonquet, un roman noir pour relire le mythe du vampire.

jeudi 6 janvier 2011

"Stone Junction" de J. Dodge (10/18)

Voilà le roman le plus déjanté et jubilatoire qui m'ait été donné de lire depuis bien longtemps, le "Stone Junction" de J. Dodge, entre roman initiatique, balade hallucinée et récit d'une formidable destinée.
David Pearse est un enfant élevé par sa mère, Annalee, jeune fille de 16 ans un peu en marge de la société. Quant au père, 7 possibilités et aucune certitude, mais cet enfant, c'est toute sa vie, son avenir. A sa naissance, elle fuit le foyer où on l'a placée jusqu'à sa majorité. Ainsi débute l'existence pour le jeune David, sur la route, au hasard des rencontres, et l'amour de sa mère sera la meilleure des écoles. Jusqu'à ses 14 ans où il se retrouve orphelin, Annalee mourant dans une explosion de bombe. Une obscure société le prend en charge, l'AMO, Alliance des Magiciens et des Outlaws, tout un programme cette dénomination, des plus organisées et puissantes. Le contenu de sa formation va se révéler éclectique et au-delà de toute imagination. Daniel va tour à tour être initié aux drogues (récolte et ingestion), à la méditation, au perçage de coffre-fort, au poker, à l'art du déguisement et autres choses irrationnelles jusqu'à les maîtriser à la perfection. Pour ce, il rencontrera une pléiade de personnages hauts en couleur (ah, Mott Stocker qui insulte ses piments pour qu'ils soient plus méchants en bouche) et se déplacera aux 4 coins du pays. Mais dans quel but tout ces enseignements? L'AMO a forcément un objectif, Daniel le découvre au bout de ses quelques années de formation : dérober un diamant détenu par le gouvernement. Acceptera-t-il de mettre en pratique ses savoirs pour commettre le vol le plus audacieux alors qu'il n'a qu'une obsession, faire la lumière sur la mort de sa mère tant aimée?
"Stone Junction" est une pure merveille, un roman déjanté et hallucinatoire, divisé en 4 parties '"L'air", "La terre", "L'eau", "Le feu", soit les éléments clefs de l'alchimie), et rythmé par des extraits du journal intime d'une étrange jeune femme, Jennifer Raine dont le chemin finira par croiser celui de Daniel Pearse.