vendredi 28 janvier 2011

"Dernière nuit à Twisted River" de J. Irving (Seuil)

La famille Baciagalupo est d'origine italienne. Nous allons la suivre sur 3 générations, du New Hampshire à Boston en passant par Toronto. C'est qu'elle a plutôt la bougeotte, il faut avouer que les circonstance y sont pour beaucoup.
En 1954, Dominic est cuistot pour les bûcherons et draveurs de la Twisted River dans le New Hampshire. Il a un fils Danny de 12 ans. Pas de mère à l'horizon, c'est que dans cette famille, les femmes ne font que passer. Pour l'heure, Dominic entretient une relation avec Jane qui elle-même est censée vivre avec Carl le "cow-boy", le shérif local autant porté sur les coups dans la gueule que les gueules de bois. A la mort accidentelle de Jane, Dominic et Danny sont contraints de fuir, ce sera le début de longues années d'errances, à refaire leurs vies, à nouer des relations, à repartir dès que la menace Carl reparaît à l'horizon. Dès le début, ils ont une espèce d'ange-gardien, Ketchum, une force de la nature, qui les avertit dès qu'il sent Carl trop proche de ses protégés : les communications se font par appels en pcv, lettres, puis par fax.
Ketchum, c'est un personnage extraordinaire, toujours très proche malgré les distances, veillant sur les amours et carrières de Dominic, Danny et Joe le petit-fils.
Dominic restera cuisinier, ouvrant des restaurants partout où le destin le mènera. Danny veut devenir écrivain, ses romans seront le reflet de toutes leurs mésaventures. Quant à Joe le petit dernier, son existence sera aussi fougueuse que brève, étudiant insouciant croquant la vie par tous les bouts.
Que restera-t-il à la fin de la famille Baciagalupe? Danny et ses romans, fictions des joies et peines des ses 3 membres masculins.
J. Irving reste un conteur enchanteur, "Dernière nuit à Twisted River" retrace un demi siècle de l'histoire américaine à travers une famille des plus attachantes, avec une pléiade de personnages secondaires hauts en couleurs.

jeudi 13 janvier 2011

"Vampires" de T. Jonquet (Seuil)

Thierry Jonquet a définitivement lâché sa plume au cours de l'été 2009, au beau milieu de l'écriture de son nouveau roman, "Vampires", dont Seuil fait une publication posthume. Beau cadeau de début d'année. Pas une fois au cours du récit ne se fait sentir la notion d'inachevé, il faut parvenir à la phrase finale pour l'éprouver brusquement. Et là on maudit la fatalité. Il aurait du y avoir encore quelques 200 pages. Néanmoins, aucun regret d'avoir découvert le début.
Région parisienne, de nos jours. Un SDF roumain tombe sur une mise en scène qui lui rappelle une des tristes figures de l'histoire de son pays : Vlad Tepes. Dans un hangar à l'abandon, il découvre un corps empalé, mis en valeur par des cierges. C'est le substitut Guillaume Valjean (ouf ses parents ont renoncé à le prénommer Jean) qui vient recueillir sa déposition. L'état de la victime force le respect du légiste Pluvinage, pour son autopsie il rameute tous ses collègues dont Irina.
Or Irina est l'un des membres de la famille Radescu, noctambules bien connu du quartier Belleville. Ils sont 5, les parents et 3 enfants. Petre le patriarche cherche depuis fort longtemps un moyen pour que les siens (et surtout sa petite dernière) échappent à leur triste condition de vampire. Car oui, les Radescu sont des vampires, mais rien à voir avec les créatures de Bram Stoker. Certes ils craignent la lumière naturelle et font des allergies à l'ail, mais point de métamorphoses en bestioles ou en brouillard, point de victime vampirisée, point d'immortalité. Les Radescu d'après Petre souffriraient d'une maladie les empêchant de vieillir au rythme habituel des humains et les actuels progrès en médecine pourraient bien les guérir.
Nous suivons donc le quotidien de cette famille, nocturne il va de soi. C'est drôle, horrifique, caustique, du merveilleux Thierry Jonquet, un roman noir pour relire le mythe du vampire.

jeudi 6 janvier 2011

"Stone Junction" de J. Dodge (10/18)

Voilà le roman le plus déjanté et jubilatoire qui m'ait été donné de lire depuis bien longtemps, le "Stone Junction" de J. Dodge, entre roman initiatique, balade hallucinée et récit d'une formidable destinée.
David Pearse est un enfant élevé par sa mère, Annalee, jeune fille de 16 ans un peu en marge de la société. Quant au père, 7 possibilités et aucune certitude, mais cet enfant, c'est toute sa vie, son avenir. A sa naissance, elle fuit le foyer où on l'a placée jusqu'à sa majorité. Ainsi débute l'existence pour le jeune David, sur la route, au hasard des rencontres, et l'amour de sa mère sera la meilleure des écoles. Jusqu'à ses 14 ans où il se retrouve orphelin, Annalee mourant dans une explosion de bombe. Une obscure société le prend en charge, l'AMO, Alliance des Magiciens et des Outlaws, tout un programme cette dénomination, des plus organisées et puissantes. Le contenu de sa formation va se révéler éclectique et au-delà de toute imagination. Daniel va tour à tour être initié aux drogues (récolte et ingestion), à la méditation, au perçage de coffre-fort, au poker, à l'art du déguisement et autres choses irrationnelles jusqu'à les maîtriser à la perfection. Pour ce, il rencontrera une pléiade de personnages hauts en couleur (ah, Mott Stocker qui insulte ses piments pour qu'ils soient plus méchants en bouche) et se déplacera aux 4 coins du pays. Mais dans quel but tout ces enseignements? L'AMO a forcément un objectif, Daniel le découvre au bout de ses quelques années de formation : dérober un diamant détenu par le gouvernement. Acceptera-t-il de mettre en pratique ses savoirs pour commettre le vol le plus audacieux alors qu'il n'a qu'une obsession, faire la lumière sur la mort de sa mère tant aimée?
"Stone Junction" est une pure merveille, un roman déjanté et hallucinatoire, divisé en 4 parties '"L'air", "La terre", "L'eau", "Le feu", soit les éléments clefs de l'alchimie), et rythmé par des extraits du journal intime d'une étrange jeune femme, Jennifer Raine dont le chemin finira par croiser celui de Daniel Pearse.