samedi 6 octobre 2012

"La vérité sur l'Affaire Harry Quebert" de J. Dicker (Editions de Fallois/L'Age f'Homme)

Ah l'automne littéraire et tous ces romans qui tombent sur les libraires comme les feuilles de l'automne tourbillonnent sur les boulevards... A en saisir un au vol, ce serait celui de Joël Dicker, qui emporte et transporte de la première à la dernière page, dans une histoire époustouflante, entre littérature et thriller, narration extraordinaire et rebondissements sans fin.
Dès la couverture, la reproduction d'une toile de mon bien aimé Edward Hopper, ( à l'honneur avec une rétrospective au Grand Palais), nous sommes transportés en Amérique. Aurora, petite ville du New Hampshire, pourrait ressembler à cette peinture tranquille et ombragée. Mais il faut savoir s'avancer au-delà des apparences trop tranquilles.
2 années seraient à marquer d'une croix maudite dans les annales d'Aurora : 1975, une jeune fille de famille respectable disparait ; 2008, son corps est retrouvé. Au centre de la tragédie Harry Quebert, écrivain adulé, et gravitant autour Marcus Goldman, son disciple, ayant dépassé le maître.
"La vérité sur l'Affaire Harry Quebert" c'est l'enquête de Marcus Goldman sur un terrible fait divers, la découverte plus de 30 ans après sa disparition du corps de Nola Kellergan, 15 ans alors, et fille d'un très respecté révérend. Marcus traverse alors une mauvaise passe, il se morfond à New-York, victime du syndrome de la page blanche alors qu'il a à entretenir sa réputation d'écrivain le plus doué de sa génération. Il reçoit alors un appel désespéré de son mentor, Harry Quebert, considéré comme le monstre sacré de la littérature : il est accusé du meurtre passionnel de Nola. N'écoutant que son coeur, Marcus accourt à Aurora. Il découvre tout un pan inconnu du passé de son maître, et malgré le parfum sulfureux de l'affaire et les menaces dont il est victime, il décide de partir en quête de la vérité car Harry, c'est tout, son guide spirituel, le père idéal et l'ami indéfectible.
J. Dicker non seulement nous livre un  roman à suspens a couper le souflle, mais aussi une peinture sans fard de la société américaine, et surtout une fine réflexion sur la création littéraire et le métier d'écrivain.

dimanche 8 juillet 2012

"Les larmes de l'assassin" de T. Murat (Futuropolis)

A lire une bd par jour, on tombe forcément sur une pépite. Celle là sort du tamis Futurpolis, inspirée d'un roman d'Anne-Laure Bondoux (vite se le trouver), et merveilleusement réinterprétée par Thierry Murat : "Les larmes de l'assassin".
L'histoire se déroule au fin fond du Chili, là où se dresse à peine une cabane tous les cent kilomètres, où la nature demeure hostile, où "même les pierres semblent souffrir". Un enfant y grandit pourtant, Paolo, peut-être 5-6 ans. Ses parents vivotent dans une ferme, avec quelques bestioles et un jardin misérable. Parfois un étranger passe, c'est toujours un évènement, mais la vie triste et monotone reprend dès qu'il s'en repart.
Un jour débarque Angel Allegria, c'est un assassin en cavale, las de fuir. D'entrée il tue les parents de Paolo. Quant au petit garçon, il décide de l'épargner, qui pourrait-il aller avertir? et qui sait, il peut être utile pour cuisiner? Un jour passe, puis deux, les jours se transforment en semaines, en mois, une routine s'établit, cette nouvelle vie sans violence et tentation plaît à Angel, et Paolo l'a adopté. Mais la tranquillité même au bout du monde n'est point éternelle. Un jour arrive un étranger, c'est Luis Secunda, un fils de bonne famille fuyant la richesse familiale, se cherchant encore un but en faisant le tour du monde, et le sud du Chili lui semble idéal. Angel tout d'abord jaloux finit par l'accepter, Luis va apprendre à lire à Paolo et la vie poursuit son son cours au gré des rafales de vent et des pluies glaciales. Mais peu à peu, les bêtes meurent, le jardin aussi et à moins d'aller en ville chercher de nouvelles bestioles grâce à l'argent de Luis, c'est la famine assurée. Ils partent donc tous les trois à Punta Arenas, c'est un périple d'une centaine de kilomètres, mais un retour vers la civilisation ne ramène-t-il pas les vieux démons?
L'histoire du petit Paolo est des plus touchantes, qui pourrait résister à ce môme triste et solitaire, prêt à s'attacher au premier venu sans poser de question, débrouillard et futé, si perdu dans cette nature aussi sauvage que belle? Quant aux planches de T. Murat, elles illustrent l'histoire avec sobriété, le trait est épuré, les couleurs monochromes, le découpage varié, adapté au contexte, un petit bijou d'album.

dimanche 24 juin 2012

"Restless" de G. Van Sant

Enoch et Annabelle ont le bel âge du lycée mais ne le fréquentent plus. Lui parce qu'il n'a pu assister à l'enterrement de ses parent depuis peu décédés court d'une cérémonie funèbre à une autre. C'est là qu'il croise un jour Annabelle, elle a la douceur d'un ange et plus que quelques semaines à vivre. Une tumeur au cerveau, qu'importe, elle compte bien profiter du peu qu'il lui reste. En trois mois tous deux vont faire l'apprentissage de la vie, découvrir l'amitié, l'amour et le sexe.
"Restless" est donc une histoire d'amour, mais loin de faire pleurer dans les chaumières avec une telle issue. G. Van Sant nous offre un film plein de douceur et de pudeur, illuminé par la candeur de Mia Wasikowska et l'élégance nonchalante d'Henry Hopper.

samedi 21 avril 2012

"Avenue des Géants" de M. Dugain

Edmund Kemper a tristement sévit aux Etats-Unis dans les années 60, avec ses 2m10 on le surnommait "l'ogre de Santa Cruz". D'un QI exceptionnel mais étouffé par une enfance malheureuse, il débuta sa carrière de tueur en série à 14 ans, assassinant d'abord ses grands-parents, puis de jeunes auto-stoppeuses, pour finir par sa mère et une de ses amies. Depuis 1973 il est enfermé dans une prison de Californie, c'est un détenu modèle, qui n'a plus envie de tuer ni de sortir.
M. Dugain a choisi pour son dernier roman de se glisser dans la tête de cet effroyable personnage, il l'a rebaptisé Al Kenner. Il s'est beaucoup documenté, s'est même rendu sur les lieux du crime mais a refusé de rencontrer le bonhomme.
"Avenue des Géants" est absolument fascinant : faisons comme si on ne connaissait rien du personnage original. Une femme d'un âge certain visite régulièrement un prisonnier, il est là depuis longtemps et sûrement pour toujours. Chaque fois elle lui amène des livres : il en fait des enregistrements pour les aveugles et mal-voyants. Peu à peu nous est dévoilée l'histoire de cet homme, mais le pourquoi de sa présence derrière les barreaux ne viendra que très tard. Là est toute la force du récit : M. Dugain privilégie les états d'âme aux actes, les atmosphères aux images gore, le contexte à l'histoire. Il livre en même temps une peinture très réaliste de la société américaine tiraillée par la guerre du Vietnam et les idées pacifistes de sa jeunesse. Difficile d'y trouver une place quand enfant votre père vous a abandonné et que votre mère déclare «Je suis la première femme à avoir fait une fausse couche menée à son terme.»

jeudi 16 février 2012

"Claustria" de R. Jauffret (Seuil)

Ce roman est atroce, chaque page est une souffrance, une sueur glaciale, une écharde à vif, mais impossible de l'abandonner, on passe outre le dégoût et la répulsion.
"Claustria" se veut un roman mais s'inspire d'un indicible fait divers : les 24 années de séquestration et d'inceste que Josef Friztl a imposé a sa fille à la fin du siècle dernier quelque part en Autriche, dans la cave de la maison familiale. A l'étage, la femme et mère, ne voulant se rendre compte de rien malgré les bruits épouvantables qui traversent les murs. Son homme lui a dit que sa fille était partie vivre dans une secte, trop facile d'y croire. Et ces bébés qui au fil du temps apparaissent, soi-disant abandonnés par cette fille indigne, elle les élèvent sans poser de questions. D'autres n'auront pas ce destin, ils grandiront dans la cave, développant leur propre langage, traînant le plus souvent à quatre pattes, devenant obèses malgré la malnutrition.
Pourquoi lire jusqu'au bout une histoire aussi suffocante? Grâce au talent de narrateur de R. Jauffret. Il n'écrit froidement pour faire du sensationnalisme, il ne signe pas un article du Nouveau Détective, non, il veut comprendre : il se met en scène en tant qu'enquêteur désirant se rendre sur les lieux, rencontrer les personnages, ce monstre de père, mais surtout sa prisonnière pour se glisser dans son esprit et partager sa peur, sa solitude, son désespoir, sa souffrance et sa dépendance.
Je ne saurai recommander ou conseiller avec légèreté "Claustria", c'est un roman bien trop terrible, mais je ne regrette en rien ces quelques heures douloureuses de lecture. 

vendredi 13 janvier 2012

"Un homme de tempérament" de D. Lodge (Rivages)

C'est le temps des biographies, après la vie très romancée de Charles Dickens par D. Simmons, voici que je me lance dans celle d'H. G. Wells par D. Lodge, beaucoup moins fantasque mais néanmoins tout aussi trépidante.
Quel Don Juan ce H. G. Wells, il tombait les femmes comme il noircissait les pages, de manière frénétique et passionnée, tout en restant très à l'écoute des évènements politiques de son temps. Impossible de résumer sa vie, il rencontra tellement de personnages haut en couleur, certains sont rentrés dans l'Histoire, d'autres l'ont profondément marqué. Il a parcouru le monde, des Etats-Unis à la Russie , pour rencontrer les grands, échanger et débattre de leurs idées. Sans oublier d'écrire encore et encore, rencontrant succès et déceptions, faisant couler beaucoup d'encre autant dans les revues littéraires que dans les tabloïds. Sa vie privée était aussi complexe, souvent choquante pour les traditionnelles moeurs anglaises : il prônait et mettait en pratique l'amour libre. Certaines femmes ont suivi, d'autres se sont éclipsées, ou parties pour mieux revenir, bref c'était un festival permanent de jupons autour de ce cher homme, et ce jusqu'à sa mort.
"Un homme de tempérament" est un récit très envolé mais aussi une belle peinture de la société anglaise de la première moitié du XX° siècle. Sur quel auteur allez-vous vous pencher dans votre prochain roman Mr Lodge? Quoique avec votre écriture toujours aussi élégante, Sir Lodge conviendrait mieux.