samedi 21 avril 2012

"Avenue des Géants" de M. Dugain

Edmund Kemper a tristement sévit aux Etats-Unis dans les années 60, avec ses 2m10 on le surnommait "l'ogre de Santa Cruz". D'un QI exceptionnel mais étouffé par une enfance malheureuse, il débuta sa carrière de tueur en série à 14 ans, assassinant d'abord ses grands-parents, puis de jeunes auto-stoppeuses, pour finir par sa mère et une de ses amies. Depuis 1973 il est enfermé dans une prison de Californie, c'est un détenu modèle, qui n'a plus envie de tuer ni de sortir.
M. Dugain a choisi pour son dernier roman de se glisser dans la tête de cet effroyable personnage, il l'a rebaptisé Al Kenner. Il s'est beaucoup documenté, s'est même rendu sur les lieux du crime mais a refusé de rencontrer le bonhomme.
"Avenue des Géants" est absolument fascinant : faisons comme si on ne connaissait rien du personnage original. Une femme d'un âge certain visite régulièrement un prisonnier, il est là depuis longtemps et sûrement pour toujours. Chaque fois elle lui amène des livres : il en fait des enregistrements pour les aveugles et mal-voyants. Peu à peu nous est dévoilée l'histoire de cet homme, mais le pourquoi de sa présence derrière les barreaux ne viendra que très tard. Là est toute la force du récit : M. Dugain privilégie les états d'âme aux actes, les atmosphères aux images gore, le contexte à l'histoire. Il livre en même temps une peinture très réaliste de la société américaine tiraillée par la guerre du Vietnam et les idées pacifistes de sa jeunesse. Difficile d'y trouver une place quand enfant votre père vous a abandonné et que votre mère déclare «Je suis la première femme à avoir fait une fausse couche menée à son terme.»