mercredi 10 juin 2015

Le héros discret/M. Vargas Llosa (Gallimard)

Enfin le retour de ce très cher Mario Vargas Llosa avec "Le héros discret" : pourquoi au singulier d'ailleurs? J'aimerais trop me retrouver en face de cet incroyable écrivain pour lui demander, et pas que ça. Au fil des ans son style est toujours aussi envolé, ses histoires truculentes et ses personnages attachants. Pourtant au départ, ils n'ont l'air de rien, ce sont des personnes qui tracent leur voie à partir de rien, s'adaptant aux évolutions sociales et affrontant les vicissitudes de la vie au mieux.

Ici nous faisons tout d'abord connaissance avec Felicito Yanaqué : petit bonhomme maigrichon paisible, il est le patron d'une entreprise de transport florissante, trop pour certains, si bien que son monde est fortement perturbé lorsqu'il reçoit une lettre lui quémandant de l'argent contre une protection, du racket en somme, cela fleure bon la mafia. Mais le petit homme a sa fierté, inculquée par un père austère mais aimant, par principe il ne cèdera jamais à aucun chantage, et il fait ce que nul n'aurait osé, porter plainte auprès de la police et dire non par média interposé. Ainsi deviendra-t-il dans sa petite ville un révolté contre la corruption, un héros, et sa vie privée beaucoup moins à son grand désespoir, faut avouer qu'il cachait bien son jeu : depuis des années il entretient une jeune et jolie maîtresse...

Puis en chapitres alternés nous découvrons deux habitants de Lima : Ismael Carrera, un riche octogénaire qui pour éviter que sa fortune ne soit dilapidée par ses jumeaux fainéants et noceurs, épouse sa gouvernante à l'effarement de tous ; et Rigoberto (oui!!! Trop sympa de le retrouver!), son ami de toujours, soutien incontestable des fantaisies du  millionnaire.

M. Vargas Llosa nous conte non seulement l'histoire d'hommes qui se dressent pour dire non, mais aussi nous dresse un portrait du Pérou moderne, en pleine mutation. Comme à son habitude, il rajoute une pincée d'épices bien aphrodisiaques et de bonnes cuillerées d'humour acéré pour nous offrir un roman bouillonnant, jubilatoire et réaliste.

lundi 1 juin 2015

Dans la colère du fleuve/T. Franklin et B. A. Fennely (Albin Michel)

Fin fonds du Mississipi, 1927, à la veille de la Grande Dépression : Hobnob est une petite ville mal protégée par une digue, hors les cieux se déchainent en pluies furieuses. C'est aussi le temps de la Prohibition et des bootlegers. Dixie Clay Holliver, jeune femme désabusée par son mariage, a choisi pour lutter contre l'ennui de distiller un des meilleurs bourbons du coin que son homme, Jesse le beau gosse revend. C'est aussi le temps de la corruption, des agents du fisc commandés par Hoover, qui se jouera l'un de l'autre du chat engraissé ou de la souris pas si innocente?
Dans ce déchainement des eaux débarquent les agents Ingersoll et Ham, aussi différents que complices, à la recherche de deux de leurs confrères mystérieusement disparus. Ils recueillent en chemin un bébé orphelin, et ne voulant point l'abandonner aux autorités partent en quête d'une mère. Ainsi vont-ils croiser Dixie Clay et Jesse.
"Dans la colère du fleuve", c'est une peinture d'époque soigneusement documentée, des rencontres émouvantes, les personnages sont attachants par leur fragilité et leur sincérité, des histoires d'amour tristes ou attendrissantes, bref un puissant roman du Sud rendant hommage aux faibles et oubliés animés par un extraordinaire instinct de survie.