lundi 31 août 2015

Intétieur nuit/M. Pessl (Gallimard)

Rentrée littéraire suite, côté étranger, et le hasard (lecture de la quatrième de couverture et du premier paragraphe) est une fois de plus bienheureux : "Intérieur nuit" est un joyau, une pépite, une histoire extraordinaire à affoler les boîtes de production du 7ème Art et les casting.
Tout est cinématographique dans ce roman, le titre, le charisme des personnages, les décors, l'intrigue, la narration.
Scott Mc Grath, journaliste redoutable, tenace et talentueux a connu des jours meilleurs : tout ce qu'il a semble commencer par ex, ex-boulot, ex-femme, vite, il lui faudrait une bonne enquête pour se détourner de son seul compagnon actuel, le pure malt. Une nuit il fait une rencontre hallucinatoire dans un parc : une silhouette joliment enveloppée d'un manteau rouge apparaît et réapparaît au détour d'une allée, d'un arrêt de bus pour finalement disparaître comme dans un rêve. Et peu de jours après un fait divers dans les journaux l'interpelle : le suicide de la fille de Stanislas Cordova, un monstre sacré du cinéma fantastique dont la renommée sulfureuse avait titillée sa curiosité de journaliste et lui avait valu un procès pour diffamation. Mais ne serait-ce pas une nouvelle investigation inespérée pour se sauver de lui-même? Assisté par deux acolytes peu ordinaires (mais rien de l'est ici) ce sera une plongée dans le passé d'un réalisateur mythique qui joue l'Arlésienne depuis des années. On visitera un Manhattan proche de Gotham, un institut pour névrosés qui rappelle Arkham, un domaine fantasmagorique semblable à Xanadu, un site Internet visible que par les geeks de génie... bref des péripéties entre cauchemar et réalité, une histoire de dingues à rendre la nuit blafarde.
A découvrir, à relire, à offrir, soit on détestera et laissera tomber au bout de quelques pages, soit on deviendra accro et les 700 pages seront dévorées en moins de jours qu'on a de doigts sur une main.

jeudi 20 août 2015

La septième fonction du langage/L. Binet (Grasset)

1980 en France, oups, cela commence à remonter pour les quadra comme moi, c'est le fin fonds de l'enfance, les premiers souvenirs sans trop avoir conscience du climat social, historique et politique d'alors. Et bien voilà une jolie piqûre de rappel savamment administrée par Laurent Binet sous forme d'une fiction aussi délirante que jubilatoire.
"La septième fonction du langage" nous entraîne dans le sillage des intellectuels, des politiciens et des agitateurs d'une France en pleine campagne électorale. Point de départ : la mort de Roland Barthes, fauché par une camionnette en février 1980. Simple et tragique accident normalement, mais sous la plume d'un écrivain pas forcément : et si?...
S'ensuivent une intrigue façon polar, avec duo d'enquêteurs improbable (un inspecteur brut de décoffrage et un jeune maître de conférence), une enquête itinérante nous menant aussi bien en Italie qu'aux Etats-Unis, une plongée dans les arcanes du pouvoir, une leçon compréhensible de linguistique (oui c'est possible) mais le plus jubilatoire, c'est la galerie de personnages rencontrés au fil des pages. Etaient-ils aussi dingues et délurés en vrai? Probablement. Outre les deux candidats à la Présidentielle, on croise en vrac Foucault, Sollers, Kristeva, Edern-Hallier, Alhusser, Lacan, Eco... et même les frères Bogdanov même s'ils ne sont pas nommés mais de suite reconnaissables à leur "costume de cosmonaute (sans le casque)".
Bref, pour une fois j'ai adoré un roman français, peut-être parce qu'il ne s'attarde pas sur le nombril d'une même personne (généralement l'auteur) (et pourquoi il est comme ci et pas autrement?) mais sur toute une époque avec son contexte intellectuel et ses troubles, car dans "La septième fonction du langage" y'a quand même plus de vrai que de fiction.