jeudi 16 février 2012

"Claustria" de R. Jauffret (Seuil)

Ce roman est atroce, chaque page est une souffrance, une sueur glaciale, une écharde à vif, mais impossible de l'abandonner, on passe outre le dégoût et la répulsion.
"Claustria" se veut un roman mais s'inspire d'un indicible fait divers : les 24 années de séquestration et d'inceste que Josef Friztl a imposé a sa fille à la fin du siècle dernier quelque part en Autriche, dans la cave de la maison familiale. A l'étage, la femme et mère, ne voulant se rendre compte de rien malgré les bruits épouvantables qui traversent les murs. Son homme lui a dit que sa fille était partie vivre dans une secte, trop facile d'y croire. Et ces bébés qui au fil du temps apparaissent, soi-disant abandonnés par cette fille indigne, elle les élèvent sans poser de questions. D'autres n'auront pas ce destin, ils grandiront dans la cave, développant leur propre langage, traînant le plus souvent à quatre pattes, devenant obèses malgré la malnutrition.
Pourquoi lire jusqu'au bout une histoire aussi suffocante? Grâce au talent de narrateur de R. Jauffret. Il n'écrit froidement pour faire du sensationnalisme, il ne signe pas un article du Nouveau Détective, non, il veut comprendre : il se met en scène en tant qu'enquêteur désirant se rendre sur les lieux, rencontrer les personnages, ce monstre de père, mais surtout sa prisonnière pour se glisser dans son esprit et partager sa peur, sa solitude, son désespoir, sa souffrance et sa dépendance.
Je ne saurai recommander ou conseiller avec légèreté "Claustria", c'est un roman bien trop terrible, mais je ne regrette en rien ces quelques heures douloureuses de lecture.